Même s'il a tenté un euphémisme pas vraiment abouti sur la non-réussite du professionnalisme en Algérie en affirmant que ce projet “n'a pas échoué" mais qu'“il traverse seulement une période de transition", le ministre de la jeunesse et des sports, M. Mohamed Tahmi, a, en revanche, reconnu que ce qui a poussé son département “à revoir la loi actuelle", c'est le but “de la rendre plus performante" car, avoue-t-il, elle “a connu un échec". Pour Mohamed Tahmi justement, “un meilleur développement avec la promulgation prochaine de la nouvelle loi sur le sport va éliminer les imperfections et dysfonctionnements constatés depuis le lancement de ce projet en 2010" dans la mesure où, précise-t-il, “cette nouvelle législation permettra d'introduire de nouvelles mesures destinées à éliminer les zones d'ombre et les flous qui caractérisent l'évolution du professionnalisme dans le sport-roi en Algérie étant donné que l'Etat continuera à soutenir le professionnalisme, pour une période de cinq ans, conformément à une réglementation bien définie". Dans son intervention à la Télévision nationale mercredi soir, le MJS, sans pour autant annoncer sa promulgation, s'est surtout contenté de donner une des grandes lignes de cette nouvelle législation qui consistera à revoir à la baisse le nombre des clubs dit “professionnels". Sans ambages, Tahmi s'est d'ailleurs “demandé s'il n'aurait pas été préférable, au départ, de lancer le professionnalisme avec 16 clubs au lieu de 32, en raison notamment de l'environnement économique défavorable d'alors" et d'annoncer que “la nouvelle loi permet d'envisager une réduction du nombre de clubs professionnels qui passerait alors de 32 à 16". Le ministre n'a, cependant, pas précisé ni donné aucune information sur les critères qui permettront à la moitié de l'élite professionnelle nationale de garder son actuel statut.Sans être clerc pour autant, il paraît toutefois clair que c'est la Ligue 1 qui est la plus à même de garder son cachet professionnel alors que la Ligue 2 et ses seize pensionnaires recouvriront, normalement, leurs statuts de clubs sportifs amateurs (CSA). Si cette démarche venait à être confirmée et entérinée officiellement, seuls les clubs de Ligue 1 continueront à exister dans leurs formes juridiques actuelles de sociétés sportives par actions (SSPA). Quid alors des clubs de Ligue 2 ? A en croire l'insinuation du ministre de la Jeunesse et des Sports, ils seront tout simplement contraints de revenir à l'ancien mode de gestion, qui base l'essentiel de ses revenus sur les aides et subventions étatiques des APC, APW et autre DJS ainsi que sur l'ingéniosité de leurs présidents à dénicher des sponsors à même de financer la bonne marche du club. Ces pensionnaires de la Ligue 2 n'ouvriront plus droit au financement nouvellement codifié par le professionnalisme tel que lancé voilà maintenant trois ans avec ces tranches de 2,5 milliards émanant du MJS et ces autres facilités annoncées pour bâtir les fameux et si attendus centres de formation. Qu'en pensent alors les principaux concernés par cette réforme qui ne dit pas son nom, plus particulièrement ces clubs de l'Algérie profonde qui ont dû consentir d'interminables efforts pour satisfaire une partie du cahier des charges à même d'obtenir, à la force des jarrets, ce statut de SSPA pour se retrouver, au moment où ils aspiraient le plus à aller un peu plus de l'avant, sous le risque d'un inattendu retour en arrière. En dépit de l'acquiescence de certains partis que le retour à l'ancien mode de gestion floue arrangerait, l'annonce de Mohamed Tahmi et son éventuel passage à l'acte ne risqueraient-ils pas, en parallèle, de créer un certain nombre de foyers de tension et d'indisposer ainsi les hautes sphères étatiques qui favorisent, à coups de milliards, la politique de la paix sociale sans pour autant parvenir à l'assurer ? Surtout lorsque l'on connaît le poids du football et de ses inconditionnels dans tout révolte ou émeute populaire provoquée par un sentiment d'injustice comme celui que risque de ressentir les supporters des clubs de Ligue 2 destinés à être destitués de leurs galons en même temps qu'il seront privés de toutes les donations ministérielles et autres “privilèges" qui devaient aller avec, à l'instar de ces centres de formation promis. Des centres de formation qui, même dans leur actuel état virtuel, ont été repris aux clubs, ou plutôt confisqués par l'Etat comme l'a d'ailleurs clairement explicité Mohamed Tahmi. “La nouvelle loi prévoit une nouveauté, puisque ce sont désormais les pouvoirs publics qui se chargeront de la construction de ces infrastructures – sur une parcelle de terrain appartenant à l'Etat – avant d'en faire une concession de longue durée au profit des clubs", affirmera ainsi le MJS qui préféra ne pas parler de “centres de formation", mais plutôt évoquer un “projet de construction de bases d'entraînement". Sur ce point précis, le flou persiste tout autant sinon plus pour ces futurs bases d'entraînement que pour le si épineux dossier du retour à l'amateurisme de la moitié des actuelles SSPA constituant la cartographie du professionnalisme en Algérie. Car connaissant les écueils et embûches bureaucratiques tellement absurdes mais connues de tous en Algérie, l'on est d'ailleurs en droit de se demander si ces bases d'entraînement que l'Etat souhaiterait reprendre aux clubs, financer, bâtir puis en faire des concessions de longue durée au profit des mêmes clubs relèveraient plus de la chimère que d'un futur proche. Car si avec leur forum qui s'est, mine de rien, constitué en véritable contre-pouvoir à la FAF et à la LNF en obligeant la première instance à décaler le prologue du championnat avant de forcer la seconde à renégocier les droits de retransmission télévisuelle, ces projets de centres de formation n'ont pas avancé d'un iota, comme l'atteste ce nombre insignifiant de cinq clubs seulement sur les trente-deux, Ligues 1 et 2 confondues, à avoir pu “dénicher" une assiette foncière, qu'en sera-t-il lorsque la “machine étatique", avec sa légendaire allure à reculons, prendra le relais ? De plus, en évoquant tout de go le rôle à venir de l'Etat dans la construction de ces futurs centres de formation, Mohamed Tahmi a-t-il déjà eu au préalable des garanties des autres départements ministériels également concernés, comme celui des Finances ou encore celui de l'Habitat censé s'occuper du foncier pour accélérer le processus et ne pas faire dans le frein administrativo-bureaucratique , ou s'est-il, en revanche, trop précipité en plaçant la charrue avant les bœufs ? Surtout dans des villes comme Alger et Oran où mêmes les autorités locales avec leur excellente connaissance des lieux ne sont pas parvenues à dégager et à trouver une assiette foncière pour ces futurs centres ? Des interrogations auxquelles le MJS n'a pas du tout répondu, laissant à chacun le soin d'interpréter à sa manière et à son niveau ces décisions qui ne devraient pas passer sans provoquer de réels remous, en particulier dans l'anti-chambre de l'élite où il n'est pas dit qu'elles seront acceptées, comme cela, sans broncher. Encore mois appliquées à la lettre. R. B.