Francis Pizani est un journaliste indépendant qui tient le blog Winch5 autour des médias sociaux et des innovations technologiques. Dans un article daté du 17 décembre, intitulé “une nouvelle génération de médias sociaux pourrait inquiéter Facebook", le journaliste aborde l'éventuelle faillite de Facebook, qui a déjà mal négocié sa diffusion sur les supports mobiles. Et si Facebook était parti sur un mauvais pied parce que né sur un ordinateur et pas sur un téléphone mobile ? Telle est la question qu'on peut se poser quand on voit l'impressionnante progression de trois entreprises asiatiques qui totalisent ensemble pas loin de 400 millions d'utilisateurs et grandissent à vitesse vertigineuse. À la différence du méga média social que nous connaissons tous, elles sont parties des smartphones et s'appuient sur les conversations plus que sur les relations. De quoi s'agit-il ? WeChat est la première application chinoise pour Smartphone qui commence à être adoptée hors de l'empire du milieu (où son équivalent local est connu sous le nom de Weixin). Lancée en 2011 par Tencent, la plus grosse compagnie online, elle avait déjà plus de 200 millions d'utilisateurs en septembre (y compris en Asie du Sud-Est, aux Etats-Unis et en Grande Bretagne), deux fois plus qu'au mois de mars. Comme le dit The Guardian, l'application est “semblable" à WhatsApp mais offre “beaucoup plus" de fonctionnalités. Il est vrai qu'on y trouve un peu de Twitter, un peu de Facebook, un peu d'Instagram et un peu de Skype... entre autres. Elle permet aussi d'envoyer des messages parlés comme un walkie-talkie. En Corée, c'est Kakao Talk qui domine (Tencent a pris 14% du capital). Elle revendiquait 60 millions d'utilisateurs en septembre selon Yujin Sohn, vice-présidente chargée du développement global. Les fonctionnalités se ressemblent mais “nous avons démarré avant WeChat et pouvons faire tout ce qu'ils font", a-t-elle expliqué. “Mais nous avons en plus les appels gratuits, ce qu'ils n'ont pas encore." En fait les Chinois auraient eu du mal à gagner le marché coréen et vice-versa. Les deux entreprises se sont alliées, mettant dans la corbeille l'une sa technologie et l'autre ses ressources financières. Le dernier membre du trio est Line, l'émanation japonaise d'une société coréenne (NHN ou Next Human Network, dont le fondateur de Kakao a été le patron en son temps... autant dire que les liens entre les trois sociétés ne manquent pas). Ils avaient 60 millions d'utilisateurs en septembre (dont un peu moins de la moitié au Japon, alors que la proportion des utilisateurs coréens de Kakao Talk semble plus près des 90%, selon Jun Masuda exécutive officer de Line), et pensaient atteindre les 100 millions d'ici la fin de l'année. Selon Masuda, “l'interface graphique et la stratégie sont très semblables car nous provenons tous les deux de la même entreprise." Comme Sohn, Masuda insiste sur la communication. “Nous ne sommes pas un réseau social, nous sommes un service de messagerie", a-t-il expliqué. “Les messages sont plutôt courts, ce qui permet des échanges rapides, plutôt comme une conversation." Pour Sohn, la grande différence avec Facebook est que “nous sommes nés sur le mobile", alors que pour Masuda “la révolution des smartphones nous offre une chance d'étendre les services de messageries et de communication. Les Etats-Unis ont Facebook mais n'ont pas encore de service de messagerie dominant. C'est pourquoi nous nous intéressons d'abord au marché asiatique avec l'intention ensuite de nous étendre." La différence peut sembler une question de nuance mais elle leur apparaît comme essentielle. L'explication la plus précise a été donnée par Yujin Sohn (Kate pour les Occidentaux) pour qui “Facebook est plus une plateforme sociale avec des fonctionnalités de communication alors que nous sommes une plateforme de communication avec des éléments sociaux. Les smartphones sont faits pour ça alors que les ordinateurs n'ont pas été conçus pour communiquer, même si tout se recoupe partiellement. Facebook a du mal sur le mobile parce qu'il est né dans un environnement qui n'est pas centré autour de la communication. Nous sommes différents parce que nous sommes nés sur des planètes différentes." WeChat et ses sœurs y voient un avantage et se considèrent bien placés pour rivaliser, un jour, avec Facebook. Moins parce qu'ils partent des immenses marchés asiatiques que parce qu'ils sont nés avec les smartphones et qu'ils demandent à tout nouveau venu l'accès à son carnet d'adresse. Les réseaux fondés sur les relations déclarées -comme Facebook- tendent à donner un graphe social plat ou statique alors que ceux qui reposent sur la communication et donc sur les relations réelles peuvent donner un graphe dynamique correspondant mieux à la réalité des échanges. Les deux modèles se recoupent partiellement mais le point de départ et donc, potentiellement, d'arrivée sont sensiblement différents.