Manifestement, le processus de réconciliation nationale, qui est indispensable pour que le pays retrouve sa souveraineté, a quelques difficultés à se mettre en œuvre, même si le tout nouveau Premier ministre, Diango Cissoko, a réussi son examen de passage en nommant son gouvernement. Personne ne peut dire qui tient les rênes du pouvoir à Bamako où seul le capitaine Amadou Haya Sanogo, ancien chef des putschistes qui avaient renversé le président Amadou Toumani Touré en mars dernier, assume ouvertement son autorité. C'est encore lui qui a mis à la porte Modibo Diarra, le prédécesseur de Cissoko, mais le Mali n'est pas entièrement sous la coupe des militaires. L'ex-Premier ministre a été poussé dehors car il était favorable à une intervention internationale pour aider les forces maliennes à reconquérir le nord du pays, selon plusieurs sources proches de la crise malienne. Même si le capitaine Sanogo a rendu le pouvoir aux civils le 6 avril 2012, il reste très influent et fermement opposé à une intervention internationale. Il préférerait voir l'armée malienne dont officiellement il a la charge, se rénover, bénéficier d'un soutien logistique et financier pour assurer la stabilité dans le pays et reconquérir sa partie amputée. Quoi qu'il en soit, à Bamako, au sein de la classe politique et dans l'opinion, la division apparaît comme étant la chose la mieux partagée. La concertation entre les dirigeants du pays et les groupes rebelles maliens, les Touareg et leur pendant islamiste d'Ansar Dine, était censée avancer, avant d'être carrément annulée, le pays ne parvenant pas à se mettre d'accord sur la marche à suivre. Le Mali, amputé de sa partie nord qui correspond grosso modo à l'Azawad, région à majorité touareg, au cœur du Sahara sahélien avec une frontière de 1 300 km avec l'Algérie, est sous de multiples influences étrangères. D'abord, la Cédéao, communauté de l'Afrique de l'Ouest dont le Mali est membre, qui a œuvré pour une intervention militaire pour chasser les jihadistes mais n'a, semble-t-il, ni les moyens, ni l'argent et pas même la volonté politique. De plus, les 15 membres de la Cédéao ne sont pas au diapason. D'un côté, les va-t-en-guerre, très proches de la France, genre Côte d'Ivoire, Sénégal et Guinée-Conakry. De l'autre, des régimes favorables à une solution politique, comme le Burkina Faso à qui a échu le rôle de médiateur et qui tente de mettre en accord les Maliens du sud et du nord pour isoler les jihadistes d'Aqmi et du Mujao. Ou encore le Tchad et le Ghana qui ont décliné l'offre de participer à la force de la Cédéao. La France pousse à la guerre ! Parmi les acteurs étrangers, le plus enthousiaste est certainement la France, ancienne puissance coloniale et parrain de la françafrique, un dispositif reconduit depuis les années de l'indépendance africaine pour justement reconduire la présence sinon l'influence de la France. Ce pays a pu mobiliser également ses pairs de l'Union européenne dont les ministres des Affaires étrangères ont récemment décidé de lancer une mission pour “former et restructurer l'armée malienne", pour lui permettre de reconquérir le Nord contrôlé par des groupes jihadistes. Environ 350 à 400 militaires européens s'installeront à Bamako aux environs du mois de février pour participer à cette mission, a annoncé le ministre français de la Défense, précisant que “la France sera la nation-cadre qui aura le plus grand nombre de militaires". D'autres acteurs moins visibles, comme les Etats-Unis qui ne sont pas chauds pour une intervention militaire mais font part de leur inquiétude sur la présence de jihadistes dans le nord-Mali. L'Algérie n'est pas défavorable à une intervention militaire pour chasser les jihadistes du Sahel mais après avoir épuisé les voies du dialogue politique entre les Maliens pour extraire les touareg du piège islamiste. Une vision pragmatique partagée par le plus grand nombre au sein de l'Afrique et dans le monde, notamment par les Etats-Unis lesquels, contrairement à la France, semblent avoir tiré les leçons des erreurs, dérives, déconvenues et des dommages collatéraux causés à Bagdad et Kaboul. Empêcher la naissance du Sahelistan Le retour de combattants touareg venus de Libye après la chute de Mouammar Kadhafi a alimenté à la fois la rébellion du MNLA et les groupes jihadistes qui rêvaient d'un Sahelistan au cœur du Sahara. Cette défaite du régime Kadhafi a entraîné la fuite des troupes étrangères à sa solde, parmi lesquelles on retrouve...des combattants touareg du nord du Mali. Ces derniers surentraînés et munis d'armes sophistiquées, connus également pour leur redoutable efficacité sur les terrains sahariens, ont offert un avantage considérable aux indépendantistes du MNLA. Un ascendant qui a complètement déstabilisé l'armée régulière malienne. Une semaine après le coup d'Etat de Sanogo contre le président ATT (21 mars 2012), alors que ce nouveau pouvoir militaire était contesté à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du pays, les groupes armés de la rébellion touareg se sont emparés en quelques jours de l'ensemble du nord du Mali. Et deux mois plus tard, le MNLA est à son tour chassé par les djihadistes... Le conflit armé dans le nord du Mali a déjà entraîné de grands déplacements de populations à la fois à l'intérieur du pays et vers les pays limitrophes : Algérie, Burkina Faso, Mauritanie et Niger. C'est déjà la situation de catastrophe humanitaire et que dire alors quand l'opération militaire sera engagée ? En outre, la crise malienne a d'ores et déjà enregistré son premier dommage collatéral sur son voisinage. Le Niger, terrain de chasse d'Aqmi, est pour ainsi dire “déstabilisé" dès lors que le président Mahamadou Issoufou n'est pas parvenu à organiser un gouvernement d'union nationale pour, selon lui, faire face aux “défis sécuritaires liés à la crise au Mali voisin". D B