Ce n'est pas par nostalgie, mais la réalité historico-culturelle des années soixante-dix m'interpelle. L'université algérienne, temple du savoir et de la réflexion, en cette ère de plomb, était ouverte sur la société culturelle et artistique. A cette période, il faut le rappeler, existait un homme exceptionnel, l'homme-institution, une boule d'énergie et d'amour pour la culture et pour l'Algérie créative, c'était Mostefa Kateb. Il dirigeait un département appelé “département des activités culturelles et scientifiques" au sein du ministère de l'Enseignement supérieur. Par son dynamisme intellectuel et artistique, l'université, par l'intermédiaire de ses enseignants, enregistrait la place méritée dans la vie culturelle du pays. Même s'il n'y avait pas beaucoup de romanciers arabophones : Abdelhamid Benhaddouga, Tahar Ouettar, Merzak Bektach, Ismaïl Ghoumoukat, Med Ali Araar ..., l'université algérienne accompagnait ces noms par la critique. La presse quotidienne consacrait une grande place aux critiques et écrivains universitaires, entre autres : Abdallah Rekibi, Mohamed Messiaf, Abdelmalek Mortad, Mohamed Saidi, Aboulaïd Doudou, Abdelmadjid Hanoune, Larbi Dahou, Larbi Zoubeiri, Abdallah Benhalli, Lakhdar Benabdallah... Ces enseignants avaient un œil sur la pédagogie et un autre sur la création. Un œil sur les étudiants et un autre sur les nouveaux talents montants dans l'écriture littéraire. Les universitaires étaient présents sur les colonnes des quotidiens “Echchab", “El Djamhouriya", “Ennasr", les revues littéraires “Amal", du ministère de la Culture et de l'Information, et “Attakafa wa atthawra", du ministère de l'Enseignement supérieur... Cette première génération d'enseignants, même si leur formation était classique, voire traditionnaliste, a réussi à faire ouvrir l'université sur la culture et sur le culturel. Dans les années soixante-dix, trois générations littéraires coexistaient, s'exprimant en français, celle de Mohamed Dib (décédé en 2003), Malek Haddad (décédé en 1978), Kateb Yacine (décédé en 1989), celle de Rachid Boudjedra, Aïcha Lemsine, Ahmed Azeggagh, et une troisième, celle de Rachid Mimouni, Tahar Djaout... La production littéraire de ces trois générations a été largement suivie et accompagnée par des critiques universitaires, entre autres Nadjet Khadda, Christiane Chaulet Achour, Mohamed Ismaïl Abdoune, Afifa Berarhi, Fawzia Sari, Wadi Bouzar... L'université, par ses enseignants écrivains critiques francophones jouait un rôle décisif et primordial dans la presse culturelle : Algérie Actualité, El Moudjahid Culturel, Révolution africaine... La critique universitaire présente dans la vie culturelle et littéraire des années soixante-dix disposait d'un rôle d'orientation et d'accompagnement pour les nouveaux créateurs dans le roman comme dans la poésie. L'université d'aujourd'hui ressemble, et c'est triste de le dire, à une caserne civile où les “jeunes" viendront passer, plutôt tuer quatre ans ou un peu plus, fuyant l'amertume sociale, le désespoir et la sécheresse qui frappe l'âme. Et par conséquent, les enseignants se trouvent repliés sur eux-mêmes, ne jouant qu'un rôle de figurant, semi-pédagogique ! Sans la présence avertie et forte de la critique universitaire dans la vie culturelle, la scène littéraire tournera sans fin en rond, proie à un activisme stérile, symbole du degré zéro de la culture ? A. Z. [email protected]