Le secret n'est pas encore éventé, aussi doit-on se contenter de pistes. D'abord, ce sont les Français eux-mêmes qui l'ont constaté : cette décision de déclencher une guerre contre le terrorisme en Afrique tombe à pic pour un François Hollande au plus bas dans tous les sondages, alors qu'il n'est entré en fonction que depuis 7 mois. Simple hasard, sûrement pas ! Rien de mieux qu'une action d'éclat de ce type pour cristalliser les sentiments patriotiques et nationalistes et ressouder la nation française. François Hollande a dû se rappeler que Nicolas Sarkozy, son prédécesseur, avait bénéficié d'un rebond de popularité à la faveur de la guerre coloniale qu'il avait déclenchée en Libye en 2011. De là à penser que le président socialiste de la France espère se refaire une santé sur le dos de la guerre dans le nord du Mali contre le terrorisme, il n'y a qu'un petit pas à franchir. Mais attention au retour du boomerang que même le puissant Bush a reçu en plein visage en Afghanistan, en Irak, au Pakistan et au Yémen. L'opération de Hollande en Somalie, pour certes essayer de récupérer un otage agent des services français (!) mais aussi pour montrer aux opinions, française et mondiale, que son équipée au Mali procédait d'un vaste plan international de lutte contre le terrorisme, a fait un flop. Le ministre français de la Défense a piteusement reconnu que les Shebab somaliens, donnés pourtant pour pratiquement éradiqués, sont résistants et pas faciles. L'opinion pourrait même très rapidement se retourner contre l'Elysée si les otages français entre les mains de djihadistes dans le Nord du Mali venaient à payer de leur vie et si des attentats terroristes étaient commis en France. “Nous faisons et nous ferons tout pour sauver nos otages. Mais il faut avoir à l'esprit aussi que ce sont les mêmes groupes (...) qui sont à la fois les preneurs d'otages et qui sont les groupes terroristes qui descendent vers le Sud", a tout de même pris soin d'avertir Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères. Evidemment pour parer à toute mauvaise surprise en France, François Hollande a décrété le renforcement du plan Vigipirate. “La lutte contre le terrorisme exige aussi de prendre toutes les précautions nécessaires ici en France", a-t-il déclaré. Les immigrés qui savent ce que signifie pour leur personne la surveillance étroite des grands boulevards, des bâtiments publics et des infrastructures de transport, redoutent le “délit de faciès", ces intempestifs et déshonorants contrôles visant tout ce qui n'est pas blanc et que le ministre français de la police avait déclaré hors la loi. Pure manœuvre du gouvernement pour les organisateurs de la grande manifestation de dimanche à Paris. Selon eux, sous couvert de sécurité publique, François Hollande voulait enrayer les déplacements vers la capitale pour “la Manif pour tous" contre son “mariage pour tous". Ainsi, le président français agiterait le chiffon rouge de la peur d'autant que la droite initiatrice de ce vaste mouvement de protestation, entend bien se refaire une virginité. François Hollande a balayé toutes ces appréhensions en n'arrêtant pas d'expliquer “qu'il faut stopper la percée des terroristes, sinon c'est le Mali tout entier qui tombe en leurs mains avec une menace pour l'Afrique ou pour l'Europe elle-même". Et du coup, il s'est adressé à la communauté internationale pour exiger outre son soutien politique, sa contribution. Les Africains de l'Ouest, après avoir traîné la patte, les premières quarante-huit heures de l'opération française, ont promis d'honorer leurs engagements consignés dans le plan de sauvegarde du Mali adopté par la Cédéao et accepté par le Conseil de sécurité. Ce n'est pas encore gagné pour la France, car, l'arrivée des contingents africains va demander du temps, comme l'expertise européenne dont seule la Grande-Bretagne a avancé l'envoi de quelques spécialistes. Evidemment, l'intervention du président Français est inattaquable du point de vue de la légalité, il y a eu l'appel au secours des autorités de transition malienne et à ce sujet, il est à se demander s'il n'existe pas d'accord militaire secret entre Paris et Bamako ? Officiellement, il n'y a plus rien de cela, et c'est toute l'aversion que nourrissait Nicolas Sarkozy à l'égard du président ATT débarqué en mars dernier par une junte militaire et dont le coup d'Etat a eu pour conséquence directe l'occupation du Nord-Mali par les djihadistes. Et puis, le quitus controversé tout de même du Conseil de sécurité de l'Onu, quelques heures avant l'opération française. Paris a considéré les résolutions onusiennes comme un blanc-seing. François Hollande a joué sur le fait accompli car au fond, Washington est content que quelqu'un fasse le boulot. Pour la France, Nicolas Sarkozy s'est mis à dos les sociétés arabes sur le sable libyen, Hollande va certainement fâcher les Africains. Celui-ci devra compter sur les accidents collatéraux, son intervention n'en sera pas exempte. D. B