Dans cet entretien réalisé juste après la défaite face au Togo samedi soir, Lakhdar Belloumi, le Ballon d'or africain 1981, revient sur l'élimination des Verts, le niveau des joueurs et l'avenir du sélectionneur. Liberté : Lakhdar, on présume que vous êtes forcément déçu après cette élimination précoce dès ce premier tour de la CAN ? Lakhdar Belloumi : Franchement, je suis abattu et dégoûté comme tous les Algériens qui ont suivi cette rencontre. Je ressens de l'amertume, de la déception, une grande désillusion. Comment expliquez-vous cette déroute ? Les joueurs qui composent cette équipe nationale ont montré leurs limites. Ils ont démontré, dans un tournoi relevé du prestige et de la dimension d'une Coupe d'Afrique des nations, qu'ils ne méritent pas d'être là, voilà tout. Il ne faut pas se voiler la face, cette EN, on l'a tous vue trop belle, plus forte et plus performante qu'elle ne l'était en réalité. Cette EN version Halilhodzic était-elle, donc, surcotée ? Absolument ! Mais après ces deux défaites face à la Tunisie puis au Togo, tout le monde connaît la valeur réelle de nos joueurs. Ils ont été incapables de la moindre action dangereuse face aux Togolais. Pour espérer faire bonne figure dans une CAN, il faudrait penser à gagner un match ! Et pour gagner une rencontre de haut niveau, il faudrait marquer des buts ! Or, ce que nous avons vu face au Togo, c'était des joueurs qui s'approchaient des bois adverses sans pour autant se montrer réellement menaçants ou percutants. On n'a pas vu un seul joueur provoquer son vis-à-vis et pénétrer dans la surface de réparation ! Un attaquant, de surcroît international, doit savoir provoquer, déposer, dribbler et passer un défenseur adverse ! Sans vouloir paraître pour quelqu'un qui tire sur l'ambulance, je pense néanmoins que notre EN a été réduite à sa véritable valeur face au Togo et que les éléments qui la composent ont confirmé qu'ils n'avaient rien de ces grands joueurs tels que décrits par la presse ! Où se situe le rôle des médias, au juste ? Qu'ils m'en excusent à l'avance, mais les journalistes ont donné à cette EN, à ses joueurs surtout, une plus grande dimension qu'ils ne le méritaient vraiment. On a fait croire aux gens, à ces joueurs, aux supporters que notre sélection nationale renfermait des joueurs d'exception, alors que ce n'est pas vrai. Regardez Adebayor, ça, c'est un grand joueur. Il lui aura suffi d'une demi-occasion, d'un seul ballon pour inscrire un but et faire la différence comme seuls les grands savent et peuvent le faire au moment opportun, surtout lorsque l'équipe en a le plus besoin. A l'inverse d'un Slimani, certes, très remuant mais pas un brin décisif... Exactement ! Slimani, au contraire d'Adebayor, malgré tout son bon vouloir et sa débauche d'énergie, s'est montré maladroit et pas du tout décisif, gâchant des occasions nettes qui auraient pu bénéficier à l'EN et faire la différence. Après cette élimination, quid du sélectionneur Vahid Halilhdozic ? Le sélectionneur Vahid Halilhdozic qu'il parte ou qu'il reste ne réglera, à mon avis, pas le problème. A sa place, qu'y avait-il matière de faire de plus ? Il a bouleversé l'équipe, incorporé des attaquants supplémentaires, modifié son schéma tactique et effectué des changements lorsqu'il le fallait, faisant même en sorte que l'EN termine le match avec cinq ou six joueurs à vocation offensive ! Mais cela n'a pas, pour autant, permis à l'EN de marquer un but, d'égaliser ou de porter un réel danger dans le périmètre de vérité togolais ! C'était aux joueurs de le faire. Vahid Halilhodzic n'allait tout de même pas pénétrer sur le terrain et mettre le ballon au fond des filets en lieu et place de ses propres joueurs ! Il ne faut quand même pas exagérer non plus et faire porter toute la responsabilité au seul sélectionneur. Même si l'entraîneur venait à être remplacé, un autre à sa place ne ferait pas de miracle avec des joueurs tout juste moyens. Qu'on se le dise une fois pour toutes : on n'a pas de grands joueurs capables de faire basculer une rencontre à lui tout seul. A peine si la majorité de nos internationaux jouent en club. Alors, arrêtons de nous mentir, voyons la vérité en face et revenons au travail de base.