Sur un même produit, la valeur fixée est différente d'une enceinte à une autre. Qu'est-ce qui peut bien motiver un importateur domicilié à Alger ou à Oran à choisir de faire transiter sa marchandise par des ports aussi éloignés que ceux de Skikda ou de Ghazaouet ? La question fait rage actuellement sur le terrain, puisque deux versions totalement opposées s'affrontent. Une source parle de véritable courant de fraude qui incite certains importateurs à recourir à des enceintes portuaires éloignées pour bénéficier de traitements de faveur irréguliers, notamment au chapitre de la déclaration douanière alors qu'à l'opposé, d'autres observateurs penchent vers la facilitation et l'esprit de souplesse qui caractérisent ces ports dont le faible flux d'affaires est plutôt perçu comme un argument d'attraction par les importateurs. En tout cas, la spéculation s'amplifie, car comme le soutient si bien un opérateur d'Alger : “je ne comprends pas pourquoi mes concurrents utilisent le port de Ghazaouet pour ensuite vendre leurs produits à Alger, en pratiquant des prix inférieurs aux miens.” Notre interlocuteur soulève ici un cas de concurrence déloyale, qui serait, selon ses propos, entretenu à partir du port de Ghazaouet. En tout cas, chose certaine constatée sur le terrain, les ports d'Alger et d'Oran sont pratiquement boudés, voire fuis par ceux dont l'intention est de manœuvrer par de fausses déclarations, comme le confirmeront ensuite des sources douanières au fait du dossier. L'exemple le plus édifiant de ce qui semble s'apparenter à un cafouillage d'un port à un autre est donné par l'importation de la banane mise sous surveillance douanière depuis quelques semaines. Ceux qui l'importent à partir du port d'Alger ne savent plus à quel prix la vendre, puisque les “concurrents qui opèrent à partir de Ghazaouet sont en train de la proposer à 65 DA le kg alors que nous, qui achetons à la source, elle nous revient à 78 DA le kg”, s'exclame cet opérateur qui ajoute que tous les grossistes algérois “se sont dirigés en force sur Ghazaouet. Il y a, quelque part, un vrai problème de concurrence déloyale”. Les appréhensions de cet importateur nous ont été confirmées par des sources douanières qui indiquent sous couvert de l'anonymat : “de tel cas nous ont été effectivement rapportés. Cependant, il faut, bien entendu, vérifier sur les lieux”. Question : comment et par quel mécanisme peut-on être compétitif juste parce qu'on est à bon port même si celui-ci se trouve à des centaines de kilomètres du siège de l'entreprise importatrice ? En réponse, le directeur régional des douanes de Tlemcen dont dépend l'enceinte de Ghazaouet se veut rassurant en indiquant que “le port de ghazaouet est devenu très attractif à tous points de vues, formalités douanières rapides, efficacités et célérité de tous les services que ce soit ceux du port ou ceux des contrôles de qualités. C'est uniquement pour cela que cette structure portuaire est choisie par des opérateurs venant d'Oran et même de Sétif”. Toujours selon lui : “à Ghazaouet, le délai de séjour de la marchandise ne dépasse pas les 24 heures au plus tard. Voilà ce qui explique l'engouement des opérateurs, car ils y trouvent la célérité et la qualité de service contrairement aux autres ports du pays qui subissent une pression importante générée par le flux de marchandises.” Il soutiendra, pour contrer toutes les spéculations, que le port de cette ville est devenu compétitif en raison de la mobilisation de tous les services qui y activent “conformément aux instructions du wali de Tlemcen qui tient à ce que Ghazaouet soit un pôle important de commerce extérieur”. S'agissant de l'information qui fait état de malversations sur les déclarations en poids éventuellement ou sur la valeur de la banane facturée et dédouanée sur ce port, il démentira catégoriquement cette faisabilité, avançant que “tous les colis sont pesés et comptés. Pour la valeur déclarée, nous appliquons à la lettre les instructions de notre direction générale. C'est-à-dire, qu'elle ne peut être déclarée en deça de 10,70 dollars”. S'il n'y a donc pas de minoration de valeur ni de fraude sur le poids, qu'est-ce qui peut donc expliquer cette baraka qui vient de l'ouest et qui se limite juste à certains importateurs ? Car, il faut souligner que l'on ne peut être raisonnablement compétitif quand on dédouane dans un port pour ensuite acheminer par route avec les frais et risques de transport sur des distances aussi importantes que celles séparant Alger de Ghazaouet ou Skikda de Blida etc., à moins qu'il n'y ait dans ces pratiques commerciales domestiques des odeurs de dumping (vente à perte), l'explication économique de ce phénomène par les disparités d'un port à un autre passe difficilement. A. W.