La France avait-elle échappé à un attentat chimique en décembre 2002 préparé par des islamistes ? Les enquêteurs spécialisés en sont convaincus, depuis le coup de filet mené, mardi dernier, en région lyonnaise dans l'entourage de l'imam Benchellali. Les nombreuses auditions en garde à vue des huit personnes interpellées à Vénissieux et à Auxerre, depuis mardi, se sont révélées fructueuses et ont permis d'affiner la connaissance des enquêteurs et juges d'instruction antiterroristes sur la préparation d'un tel attentat. Dès la fin de l'année 2002, à l'occasion du démantèlement d'une cellule de neuf islamistes radicaux, baptisée le groupe de La Courneuve-Romainville, du nom des villes de Seine-Saint-Denis, où ils ont été arrêtés, les enquêteurs étaient persuadés d'avoir déjoué, à deux mois près, un attentat chimique sur le sol français. Le ministère de l'Intérieur soulignait, à l'époque, que les enquêteurs de la Direction de la surveillance du territoire (DST-contre-espionnage) avaient découvert “une liste manuscrite supportant des noms de produits chimiques”, des produits permettant “la fabrication d'explosifs et de gaz toxiques de type cyanuré”. De source proche du dossier, on indiquait que les nombreuses auditions des personnes gardées à vue avaient permis d'établir un lien formel avec la cellule de La Courneuve-Romainville. Ainsi, Menad Benchellali mis en examen et écroué depuis décembre 2002, et qui est un des fils de l'imam Chellali Benchellali de Vénissieux (Rhône), est accusé par plusieurs des personnes interpellées d'avoir cherché à fabriquer des produits “hautement toxiques” comme la “ricine et l'acide botulique”, a-t-on indiqué samedi, de source policière. Selon les déclarations des personnes placées en garde à vue, Menad, qui est le frère d'un des détenus français de la base américaine de Guantanamo (Cuba), “conditionnait” le résultat de ses manipulations “dans des pots de crème Nivéa et dans des flacons de 70 cl”. Selon l'un des gardés à vue, Menad Benchellali aurait suivi des stages de formation pour la fabrication et l'utilisation de poisons et substances toxiques en Afghanistan, a également indiqué la police. Une partie des personnes interpellées, mardi, aurait, par ailleurs, apporté un soutien logistique important au groupe de La Courneuve-Romainville, notamment en lui fournissant des faux papiers et en le finançant. Des délits de droit commun pourraient être à l'origine des fonds envoyés : une des personnes interrogées a reconnu qu'elle avait participé à une attaque à main armée, dont une partie du butin aurait été consacrée “au financement des projets de Menad”. Enfin, l'imam lui-même a été mis en cause au cours des interrogatoires, pour avoir organisé à la mosquée Abou-Bakr des projections de cassettes vidéo, destinées à recruter des combattants contre les Russes en Tchétchénie. Huit personnes au total ont été interpellées cette semaine dans le cadre de cette enquête : deux d'entre elles, dont une fille de l'imam, Anissa, ont été remises en liberté. Les six autres seront présentées, lundi après-midi, aux juges d'instruction antiterroristes Jean-Louis Bruguière, Jean-François Ricard et Philippe Coirre en vue de leur éventuelle inculpation. Samedi, une manifestation a rassemblé quelque 200 personnes issues de l'immigration à Vénissieux (Rhône), pour dénoncer la “brutalité” des interpellations. Les manifestants ont dénoncé “l'humiliation” des familles. Selon eux, mardi, “des femmes ont été jetées au sol” et des enfants “terrorisés” par des policiers “cassant” un appartement. Y. K.