Comme tous les pays occidentaux, la France vit avec la hantise de frappes sévères sur son sol. L'imam algérien de Vénissieux, Chellali Benchellali, a été expulsé, jeudi, de France vers l´Algérie. Condamné en juin dernier pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», il vient de recevoir une notification d'expulsion du ministère de l´Intérieur français. Il était sous le coup d´un arrêté d´expulsion pris «en urgence absolue» le 8 janvier 2004. Interpellé en région lyonnaise, il a été placé en garde à vue dans un commissariat de Lyon, puis a été embarqué sur un vol régulier à l´aéroport parisien d´Orly, sans incident. «C´est un enlèvement. On a dépossédé la justice de sa mission», a dit à Reuters, son avocat, Me Béranger Tourné. L´avocat déplore que le ministère n´ait pas attendu l´examen d´un recours administratif contre l´arrêté d´expulsion, prévu dans les prochaines semaines à Lyon. L´imam Benchellali, à qui il était reproché des prêches jugés extrémistes, a purgé 14 mois de détention provisoire entre 2004 et 2005 dans le cadre de l´enquête sur un réseau de recrutement de combattants islamistes pour le Caucase et sur la préparation présumée d´un attentat à l´arme chimique, en 2002, en France. Le tribunal correctionnel de Paris l´a finalement condamné à 18 mois de prison dont six ferme, en juin, alors que le parquet avait requis sept ans de prison ferme à son encontre. L´imam a fait appel et doit être rejugé dans les prochains mois. L´un de ses fils, Menad Benchellali, chef présumé du réseau soupçonné d´avoir préparé des attentats visant la Tour Eiffel, des bâtiments de police, des magasins du quartier des Halles à Paris, a été condamné dans le même procès à dix ans de prison. Selon Reuters, il est toujours écroué. La femme de l´imam et un autre de leurs fils, Hafed, ont été condamnés à des peines plus légères. Par ailleurs, le cadet de la fratrie, Mourad Benchellali, plus connu dans les milieux islamistes comme appartenant aux réseaux dits «filières tchétchènes», a été capturé fin 2001 en Afghanistan où il a participé à des entraînements militaires, a passé deux ans dans le camp américain de Guantanamo, à Cuba, avant d´être remis à Paris en 2004 et de passer encore un an et demi en prison. Poursuivi pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», il a comparu devant un tribunal en juillet dernier. Le tribunal doit rendre sa décision à son encontre le 27 septembre. A l'approche de la date anniversaire du 11 septembre, des enquêteurs français ont cherché des éléments factuels permettant de comprendre le parcours d'un djihadiste français, reconnu coupable d'avoir préparé des attentats, et dont les liens avec Al Qaîda ont pu être prouvés, et ont choisi de lever le voile sur le dossier de Menad Benchellali, condamné à dix ans de prison le 14 juin 2006 par la quatorzième chambre du Tribunal correctionnel de Paris... Dans un document de 45 pages daté du 8 décembre 2005, composé de plusieurs extraits du réquisitoire de renvoi devant le Tribunal correctionnel du dossier dit des «filières tchétchènes» , impliquant des candidats français au djihad, formés dans les camps liés à Al Qaîda, Menad Benchellali a été présenté comme l'un des piliers de ce réseau. Il a été appréhendé le 24 décembre 2002 au terme d'une enquête de la DSTqui l'a présenté comme un terroriste aguerri, formé dans les camps d'Afghanistan (notamment celui d'Al-Farouk), et qui, après un séjour dans le Caucase, était revenu chez ses parents, dans la banlieue lyonnaise. Au moment de son interpellation, il se livrait à des préparations chimiques dans l'appartement familial aux fins de commettre un attentat (même si au vu du dossier, ses démarches techniques relevaient - fort heureusement - d´un certain amateurisme). Dans son enquête publiée à l'occasion du 11 septembre, Géopolitique trace le parcours de l'homme: né en 1973, laveur de carreaux à l'aéroport de Lyon après un CAP d'électrotechnique, allocataire du revenu minimum d'insertion, il découvre les mouvements islamistes radicaux au cours d'un voyage en Algérie, à 18 ans, en 1989, au moment où le Front islamique du salut s'impose sur la scène politique locale. Ensuite, de ses multiples voyages d'études religieuses en Arabie Saoudite, de ses déplacements en Suisse pour suivre les cours de Tarek Ramadan, de ses contacts avec le défunt chef d'Al Qaîda, en Irak, Abou Moussab Al-Zarqawi - confirmés par Jean-Charles Brisard, auteur d'un document d'enquête sur Zarqawi et responsable des investigations pour les familles des victimes du 11 septembre - jusqu'à ses stages de formation au Djihad en Afghanistan dans les camps d'Oussama Ben Laden ouverts pour les jeunes européens, c'est tous les secrets (grands et très petits) d'une plongée dans la réalité de l'islamisme violent. Avec en creux, la recherche d'une reconnaissance à travers cette volonté de devenir martyr pour servir les opérations de propagande d'Al Qaîda. Avant la présentation du projet de loi antiterroriste de Nicolas Sarkozy en Conseil des ministres, il y a quelques mois, Christophe Chaboud, 48 ans, ancien responsable opérationnel de la DST (Direction de la sécurité du territoire), aujourd´hui chef de l´Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) au ministère de l´Intérieur, s´exprimait sur l´évolution depuis dix ans des filières de jihadistes et sur le groupe de Safé Bourada, démantelé récemment, et estimait qu'après les menaces proférées contre le France par le Gspc «le risque était estimé comme très élevé».