Résumé : Je rédige mon article et le balance par internet à la rédaction. Il était déjà minuit passé, et Youcef n'était pas rentré. Je commence à ruminer des idées noires. Va-t-on s'en prendre à lui ? Je tente de le joindre sur son portable mais il était éteint. A la rédaction on m'apprendra qu'on ne l'avait pas revu depuis la veille. Quelque chose s'était logé dans mon estomac, une sorte de boule. C'était ça qui me coupait le souffle. C'était ça l'anxiété, moi qui ne la connaissait pas auparavant, me voici plongée dedans jusqu'à la moelle. Une sueur glacée imbiba mon front. Un effort de concentration peut-être, me dis-je. Je ne vais tout de même pas devenir hystérique ! Je me relève et me mets à arpenter ma chambre dans tous les sens. Je suis faible ! Le mot résonne à mes oreilles. Je suis faible, faible au point de devenir anxieuse. S'il le faut, je descendrais dans la rue, je vais courir à travers tous les quartiers chercher mon mari. Je repense à mon fils qui dormait profondément. Je ne pouvais tout de même pas l'abandonner à son sort. Le pauvre bout de chou risque de se réveiller à tout moment et le silence va l'effrayer. Mon cerveau s'était mis en branle. Malgré ma migraine, j'essayais de mettre de l'ordre dans mes idées. Je tente de reprendre mes esprits en me disant qu'au petit matin je pourrais toujours prendre mon véhicule et partir à la recherche de Youcef, si d'ici là il ne réapparaissait pas. La nuit s'allongeait, je regardais l'heure toutes les minutes. Le jour est encore loin. Je m'étendis sur le lit et ferme les yeux. Le sommeil aura raison de ma résistance. J'étais trop mal en point pour forcer mon cerveau à rester en éveil. Lorsque je me réveille, il faisait jour. Je me rappelle les événements de la veille et porte instinctivement les mains à mon crâne. Les pansements étaient toujours là. Par contre, ma migraine s'était estompée. Au moment où j'allais me lever, je sentis une présence. Dans l'ombre de ma chambre, je n'eus aucun mal à reconnaître Youcef. Il n'était pas à sa place habituelle. Mon mari dormait à poings fermés sur le tapis. Un oreiller et une couette faisait l'affaire. Il avait l'air très paisible dans son sommeil. A quelle heure était-il revenu ? Comment se fait-il que je ne l'aie pas entendu ? Je me rappelle mon inquiétude de la veille, et toutes mes tentatives pour le contacter. Je sentais la colère gronder en moi. J'avais cru devenir folle, j'étais sur le point de franchir la barrière entre la raison et la folie à cause de lui, et le voilà qui revient sans même prévenir. Il a même eu le toupet de s'allonger sur le devant du lit, sans faire de bruit. Je vais le secouer, je vais le réveiller. Il m'a gâché ma nuit et je vais gâcher son repos. La boule sur mon estomac avait disparu mais l'anxiété avait laissé des traces. Mes mains étaient moites, et je me sentais nerveuse, trop nerveuse même. Mehdi pleurait. Une évasion dans le monde du réel ! Pour me prouver que je suis toujours normale, je cours vers mon fils. Il était temps de lui préparer son petit-déjeuner. Les comptes avec Youcef peuvent attendre. Deux heures plus tard, me sentant un peu plus calme, je décidais de me rendre à la rédaction. Mais avant cela, je voulais tout savoir sur ce qui avait pu retenir mon mari si tard la veille. J'étais en train de m'habiller, lorsqu'il se met à bouger sous sa couette. Il ouvre les yeux et s'étire. Rencontrant mon regard, il me sourit : -Tu n'es pas encore partie ? -Non, j'attendais que tu te réveilles. Il me jette un regard curieux, puis fronce les sourcils : -Tu portes encore tes pansements, pourquoi ne demandes-tu pas un arrêt de travail de quelques jours ? Je hausse les épaules : -Je n'en ai pas envie. -Tu vas travailler avec ce turban sur la tête ? -Eh bien tant pis, on comprendra que c'est pour la bonne cause. Peut-être que ça débouchera sur une nouvelle mode aussi. -Têtue ! Tu es folle et têtue. -Folle ? Oui, j'ai cru le devenir. Je ne savais pas où tu étais, ton téléphone était éteint, tu ne donnais aucun signe de vie. J'ai analysé la situation à ma manière, je pensais qu'on s'en était pris à toi, je pensais qu'on t'avait agressé. Je me morfondais, et au final ? Tu es rentré sans avertir et tu as dormi comme un loir sans t'occuper du reste. Youcef m'avait écouté sans broncher. Il ne dit rien, et se contenta de se lever et de ramasser sa couette et l'oreiller avant de les jeter sur le lit. (À suivre) Y. H.