Le Tunisien Chokri Belaïd assassiné hier à l'âge de 48 ans était un farouche opposant aux islamistes au pouvoir et un militant de tendance marxiste et panarabe, qui a été propulsé par les médias au-devant de la scène politique depuis la révolution de 2011. Coordinateur général du Parti des patriotes démocrates (PPD, légalisé en mars 2011), ce tribun à la voix rugueuse et au franc-parler a souvent défié de front les islamistes du parti Ennahda, s'attaquant directement à son chef Rached Ghannouchi. Grosse moustache noire et sourire en coin, il était devenu une figure fort médiatisée de l'alliance de mouvements de gauche (Front populaire) qu'il a constituée en octobre 2012 avec une dizaine de groupuscules d'extrême gauche et nationalistes arabes. Le poids politique de ce front, qui se pose en alternative au gouvernement et aux opposants de centre-droit réunis autour de l'ex-Premier ministre Beji Caïd Essebsi, reste difficile à estimer faute de sondages crédibles. Le PPD dispose d'un siège unique à l'Assemblée nationale constituante élue en 2011. Né le 26 novembre 1964 à Djebel Jelloud, banlieue au sud de Tunis, Chokri Belaïd était un avocat défenseur des droits de l'Homme et avait souvent plaidé dans les procès politiques sous le régime déchu de Zine El-Abidine Ben Ali. L'avocat a connu la prison sous les régimes de Ben Ali et de Habib Bourguiba. Il a aussi fait partie d'un collectif de défense de l'ancien président irakien, Saddam Hussein, et était actif dans le comité de lutte contre la normalisation avec Israël. Belaïd, dont le mouvement recrute surtout à l'université, où en tant qu'étudiant il affrontait déjà le courant islamiste, a siégé dans la “Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique" qui a canalisé le débat national jusqu'aux premières élections libres post-révolution. Un brin populiste, il a conservé l'accent prononcé des paysans du Nord-Ouest d'où est issue sa famille et a été proche de la classe ouvrière. Il a pris la tête des manifestations sociales en novembre à Siliana s'attirant les critiques du ministre de l'Intérieur Ali Larayedh qui l'a accusé de manipuler les foules pour fomenter des troubles. Le 2 février, Belaïd a accusé “des mercenaires" d'Ennahda d'avoir attaqué un rassemblement de ses partisans. Et la veille de sa mort, il a dénoncé “des tentatives de démantèlement de l'Etat et de création de milices pour terroriser les citoyens et entraîner le pays dans une spirale de violence". R. I./Agences