Qualifiant les importations algériennes d'“artificiellement gonflées", il plaide pour une autre politique dans le secteur de l'énergie et une politique de substitution aux importations. L'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, a expliqué, hier lors du Forum économique du journal El Moudjahid, pourquoi l'Algérie n'est pas encore un pays émergent et a suggéré des pistes de réformes pour hisser l'économie algérienne au niveau des économies émergentes. “Nous sommes en crise de spécialisation internationale traditionnelle", souligne le professeur Benachenhou, indiquant que depuis 2006, les productions et les exportations en volume, du pétrole du gaz, baissent. Pour le pétrole, le marché est haussier et la clientèle de l'Algérie est diversifiée. Ce n'est pas le cas pour le gaz en crise sur le plan des prix et des volumes. Quatre pays absorbent 92% des ventes algériennes de gaz (l'Italie 44% des ventes, l'Espagne 28%, la France 12% et la Turquie 8%). En dehors de la Turquie, les trois autres clients de l'Algérie “sont malades" sur le plan économique. L'Europe du Sud, qui est le principal partenaire de l'Algérie, est en crise “constante". L'ancien grand argentier du pays appelle à l'ouverture d'un débat sur un secteur aussi important que celui des hydrocarbures, qui représente entre 45% et 50% du produit intérieur brut, 70% des recettes budgétaires et 98% des recettes extérieures. L'ancien ministre des Finances a, dès l'ouverture de la conférence, regretté le déficit du dialogue économique en Algérie. “Nous n'avons pas encore développé, dans le domaine économique, la culture du dialogue", a-t-il asséné. M. Benachenhou ne s'est pas contenté de faire des constats, il a également suggéré des pistes de réformes et de réflexion pour construire une économie moins dépendante des hydrocarbures et l'ouverture d'une manière intelligente à l'internationale. Pour l'ancien grand argentier du pays, tout en renforçant le secteur de l'énergie, il faut s'atteler simultanément, au fur et à mesure des corrections apportées à la crise du secteur des hydrocarbures, à la reconquête du marché intérieur, en matière de produits agricoles et agroalimentaires, de pharmacie, de matériaux de construction, de matériels de travaux publics, de transport maritime... “L'agriculture algérienne a besoin d'une expertise. De toutes les agricultures méditerranéennes, nous faisons les rendements les plus faibles", a indiqué M. Benachenhou. Avec une autre politique dans le secteur de l'énergie et une politique de substitution aux importations, l'ancien ministre des Finances soutient qu'“on peut faire baisser la facture des importations à 35 milliards de dollars", estimant que “ce sont des importations artificiellement gonflées". Les importations n'étant que l'expression commerciale d'un profil d'investissement. Pour redresser le secteur de l'énergie et reconquérir le marché national, “il faut investir et le faire valablement", souligne le professeur Benachenhou, qualifiant “la structure de nos investissements de très déséquilibrée". Sur 33% du produit intérieur brut investis par l'Algérie, l'investissement productif représente à peine 2%, un pays qui épargne entre 45% et 50%. “Nous avons un problème d'investissement productif", insiste Abdelatif Benachenhou, appelant, également, à la révision en profondeur du système des prix et des subventions. “Sans révision en profondeur du système des prix et des subventions, la relance de l'investissement est un mythe", tranche l'ancien ministre des Finances. M. Benachenhou cite l'exemple de Naftec, absorbée par Sonatrach, qui n'a pas investi pendant 25 ans, parce que les marges sont insuffisantes. Et si les banques accordent des crédits à Sonelgaz, c'est parce qu'il y a la garantie du Trésor. “Je suis prêt à démontrer à qui veut que l'on peut rectifier le système des prix et des subventions sans toucher à la paix sociale", souligne le professeur Benachenhou, relevant que 10% des abonnés de Sonelgaz consomment plus 40% de la production. “La protection de la paix sociale est comptable avec une refonte du système de prix et des subventions", a-t-il insisté. L'ancien grand argentier du pays estime qu'il n'est pas acceptable d'avoir 56 milliards d'euros dans le Fonds de régulation de recettes (FRR) et 2% seulement PIB en investissement productif. L'ancien ministre des Finances indique que le FRR est alimenté, aujourd'hui, à hauteur de 4 milliards de dollars chaque année. Le taux de décaissement de la dépense publique est évalué à 70% parce que la capacité d'absorption du pays est faible. Si ce taux était de 100%, on serait en train de puiser dans le fonds, doté actuellement de 56 milliards d'euros. Abdelatif Benachenhou ne dit pas que c'est facile de perdre le taux d'investissement de 2% à 5 ou de 5% à 10%, mais il estime qu'il faut faire l'effort de réflexion. Interrogé sur l'actuelle politique de redressement industrielle du gouvernement, l'ancien ministre des Finances plaide pour la mobilisation de tous les acteurs. Mais pour lui, “pour que le secteur public participe véritablement à la réindustrialisation, il faut améliorer sa gouvernance", insistant sur l'importance d'être crédible vis-à-vis des partenaires étrangers. Concernant le secteur privé, il suggère la mise en place d'un vertical contrat de croissance avec le secteur privé. Il se dit favorable à l'idée de champions nationaux à condition que “chacun y mette de la bonne volonté". Face aux avantages demandés à l'Etat, il faut des engagements très clairs, des entreprises en matière de formation, de recherche technologique, de relation avec l'université... Le professeur Benachenhou est même favorable qu'on modifie dans le secteur concurrentiel la frontière entre le secteur privé et le secteur public pour des raisons d'efficacité. M R