L'Algérie ne peut encore joindre le groupe des pays émergents comme l'Inde et le Brésil, estime l'ancien ministre des Finances Abdelatif Benachenhou. L'invité, hier, au premier forum économique du quotidien El Moudjahid, sous le thème «Le rôle et la place des pays émergents : le cas algérien», Benachenhou a relevé qu'un pays émergent est «un acteur incontournable sur plan international, qui a une voix politique écoutée en cas de conflit international». Les entreprises développent, avec l'aide de l'Etat, des technologies et de nouveaux procédés à portée mondiale aussi. D'ailleurs, a-t-il enchaîné, «le développement technologique est le moteur de l'émergence». Dans les pays émergents, la pauvreté est graduellement réduite de manière significative avec «une diffusion de la protection sociale». Tout en remettant en cause la politique sociale de l'Algérie «déséquilibrée», il a indiqué que malgré les subventions et le système des prix, l'Algérie n'est pas épargnée par la «grogne sociale» en raison de «la forte pression sur les ressources naturelles». «La dynamique de l'émergence nécessite un changement politique et une amélioration de la gouvernance», a-t-il recommandé, suggérant «une révision en profondeur du système des prix et des subventions». Car, il est possible de «préserver la paix sociale» tout en rectifiant le système de subventions des prix. Au rythme actuel où la politique sociale précède la croissance économique, M. Benachenhou ne cache pas sa «grande» inquiétude. Les investissements productifs : 2% uniquement du PIB En raison de la faiblesse des investissements productifs, qui ne représentent que 2 à 3% du PIB, conjuguée à une large dépendance des hydrocarbures, l'ancien conseiller du président de la République pour les affaires économiques a critiqué également la politique économique extérieure caractérisée par «l'instabilité». Celle-ci constitue «un obstacle total au développement». L'Algérie connaît une situation paradoxale car avec un taux d'épargne de 45% du PIB, «une crise» des investissements productifs perdure. Ce qui «est très préoccupant pour l'avenir», a-t-il averti. Les investissements engagés dans les infrastructures représentent, par contre, 20% du PIB, mais, a-t-il noté, avaient pour objectif de rattraper les retards accusés suite à la décennie noire. Les trois programmes quinquennaux devaient être consacrés, à la fois, au développement matériel et immatériel, a-t-il noté. L'Algérie connaît une «crise de spécialisation internationale». Il a expliqué, à ce propos, que les exportations des hydrocarbures enregistrent une régression de 20% en volume depuis sept ans, malgré l'augmentation des recettes engendrée par la hausse des prix du pétrole. Du fait qu'elles représentent entre 45 à 50 % du PIB, le recul des exportations en volume constitue une source d'inquiétude. Pour le gaz, l'Algérie doit diversifier ses clients car ses clients traditionnels comme l'Italie et l'Espagne sont en récession. La crainte de M. Benachenhou est motivée par le fort taux des recettes extérieures provenant à 90% des hydrocarbures. La reconquête du marché local doit être une priorité de l'Etat qui doit axer ses investissements sur les secteurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire, du transport maritimes et des travaux publics notamment. Ces secteurs pourront dégonfler la facture des importations de plus de 30 milliards de dollars. Cependant, un secteur vital comme l'agriculture enregistre des rendements des plus faibles du bassin méditerranéen, s'est-il inquiété.