Al Khamès et surtout son pendant féminin Al-Khamsa sont des prénoms traditionnels, encore en usage. Ils dérivent du mot arabe khamsa, qui signifie “cinq". Le chiffre cinq a, au Maghreb, comme dans de nombreuses cultures, une valeur prophylactique : la main aux doigts écartées et retournée contre un adversaire représente un puissant préservatif contre le mauvais œil. Un pendentif représentant une main ouverte et qui porte le nom de khamsa est universellement connu dans tout le Maghreb et le Sahara. En fer, en argent ou en or, il est porté en collier ou accroché en broches, parfois caché et souvent porté ostensiblement pour écarter les influences pernicieuses, venant des génies ou des personnes malintentionnées. On porte aussi la khamsa en boucle d'oreille : en Algérie où elle est parfois appelée ‘ayasha “celle qui fait vivre", on l'accroche à l'oreille des jeunes garçons qui doivent souvent la porter, même devenus adultes. La main est également imprimée sur les façades et les linteaux des maisons. A la zaouïa de Wedris, en Kabylie, les femmes, en pèlerinage, mettent du henné et l'impriment sur les murs du sanctuaire : c'est une façon de transmettre au saint le mauvais sort qui va l'annihiler... Le chiffre cinq intervient aussi dans l'organisation sociale de quelques groupes berbères. La main symbolise ici l'unité et surtout l'égalité des membres de la communauté qui, selon l'expression kabyle, sont “unis comme les doigts de la main". Boulifa rapporte une légende selon laquelle le premier habitant du Djurdjura était un géant, père de cinq fils, à l'origine des cinq clans primitifs de la montagne ; plus tard, chaque clan, s'étant agrandi, forme une tribu, et la réunion des cinq tribus a donné naissance à la confédération des Igawawène, en arabe Zouaoua. Cette organisation quinaire devait être ancienne. On sait que les Romains donnaient le nom de Quinquegentani (“cinq tribus") à une confédération de Maurétanie, située, selon les sources, entre Saldae (Béjaïa) et Rusuccura (Dellys). Or, selon Ibn Khaldoun, c'était là le territoire de la tribu des Zaouaoua ! En targui, la tribu est appelée tawsit, mot signifiant soit “paume de la main", soit “poignet". En Kabylie et chez les Berbères du Maroc, on emploie souvent le terme afus, main, pour caractériser certains groupements, notamment l'union de cinq clans. M. A. H ([email protected])