Résumé : Après une longue absence, Azad revient au pays. Il avait passé plus d'une dizaine d'années en Europe, où grâce à sa patience et à son abnégation, il avait réussi à faire des études, et c'est avec un diplôme en psychologie qu'il revient au pays...Un soleil radieux l'accueille, mais pas son père... Il décide de prendre un taxi dont l'autoradio diffusait de la musique chaâbi. Le long de son trajet, Azad se laisse bercer par cette musique qui lui avait tant manqué. Là-bas, il n'avait pas le temps de se laisser aller à de tels plaisirs. Certes, il pouvait de temps à autre se permettre une évasion musicale propre à son bled, le temps d'une nostalgie. Mais rien n'était comparable à ce qu'il ressentait ici dans son pays. Ici, cette musique reflétait tant de choses. Elle parlait. Elle racontait des récits palpables et emportait dans ses vagues son auditoire. C'était ça le chaâbi, une note, un récit, un conte d'amour que rehaussaient les relents d'un climat méditerranéen. - Vous êtes arrivé Monsieur. Le jeune homme revint sur terre. Il regarde autour de lui et constate qu'effectivement, il était arrivé chez lui...Heu... plutôt chez son père se dit-il en descendant du taxi tout en jetant un coup d'œil aux villas nouvellement érigées dans ce quartier huppé où sa famille avait toujours résidé. En dix années, les lieux avaient subi une véritable transformation. Des jardins, des parcs, des magasins luxueux, des restaurants. Et puis cet ensemble de bâtisses modernes qui de loin narguaient par leur hauteur l'ensemble des anciennes villas construites en bataille. Azad tente de reconnaître quelques voisins, mais il ne le put. On dirait que ces années d'absence avaient gommé jusqu'à ses derniers souvenirs. Il se saisit de ses bagages et s'approche du grand portail. Il hésite encore un moment. Quelqu'un est-il à la maison ? Son père et sa marâtre savaient qu'il allait arriver ce jour-là, mais apparemment, personne n'a estimé opportun de l'attendre à l'aéroport ou même à l'une des nombreuses fenêtres de la maison. Pourtant il voyait une tête, une chevelure, l'ombre d'une femme au balcon du premier étage. Sa belle-mère n'avait pas les cheveux longs. Non ce n'était pas elle, c'est sa demi-sœur probablement, Katia. Elle avait tout juste sept années lorsqu'il les avait quittées. Aujourd'hui, elle est sûrement devenue une belle jeune fille. Il fait tinter le carillon du portail. Quelques minutes passent avant que son père ne daigne descendre lui ouvrir. Il contemple Azad un moment sans prononcer un mot. Le père et le fils s'affrontèrent du regard, puis comme dans un film, l'homme ouvrit ses bras : -Te voilà enfin mon fils... Azad embrasse son père sans trop de chaleur. Il savait qu'il ne pouvait ni l'aimer ni le haïr, juste le respecter. Ce père acariâtre avait fait de lui un souffre-douleur et le bouc émissaire de ses malheurs. Jusqu'à l'adolescence, il avait subi son autorité sans broncher, puis se sentant devenir plus sûr de lui, Azad s'était forgé une personnalité. Il avait préféré l'internat d'un lycée à la maison de son enfance. Oui, c'était ça, une fuite en avant, pour oublier, pour tirer un trait sur le passé. -Voyons Azad, pourquoi restes-tu là, entre. Le jeune homme fait quelques pas puis s'arrête : -Tu es sûr que je ne dérange pas ? -Voyons bien sûr que non, tu es chez-toi fiston. Azad tente de retrouver dans les traits de son père un souvenir agréable, un sourire, une moue, un air amusé. Hélas ! Ce n'était pas le cas. Même maintenant que l'homme avait vieilli, même maintenant que sa tignasse était devenue toute blanche, et que des rides striaient son visage, son père lui parut encore plus sévère, plus arrogant et plus distant que jamais. Il le précède dans le hall de l'entrée, et lui désigne le salon : -Ta belle-mère est sortie faire des courses, mais Katia est là. Tu te souviens d'elle n'est-ce pas ? Azad hoche la tête : -Bien sûr, elle était encore une gamine quand je suis parti. -Eh bien, tu ne vas pas la reconnaître ! (À suivre) Y.H.