Les travaux de restauration de La Casbah, qui seront menés par l'Agence nationale des secteurs sauvegardés, débuteront dans le courant de cette année. Cette entreprise de grande envergure attend l'implication de la wilaya d'Alger, qui doit reloger les habitants de La Casbah, pour que les travaux puissent être entrepris. La Casbah est cette mémoire blessée d'Alger. Dans un état de dégradation avancé, elle résiste, se maintient debout, mais finira par céder et s'écrouler, si les choses ne sont pas prises en main. De cet état, Abdelwahab Zekagh, directeur général de l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés (OGEBC), en est parfaitement conscient. Lors d'une rencontre, organisée samedi matin à la Citadelle d'Alger (Dar Essoltane), coïncidant avec la Journée nationale de La Casbah, M. Zekagh a signalé que cette rencontre, avec les associations et habitants de La Casbah, est la dernière, avant le début des travaux de restauration, prévus dans le courant de cette année. Abdelwahab Zekagh a rappelé que les travaux qui ont eu lieu ces dernières années sont “des travaux d'urgence. On n'a pas encore commencé la restauration". Mais qui dit travaux et restauration, dit déplacement des familles qui continuent d'habiter La Casbah, et qui continuent surtout de vivre dans des bâtisses, presque en ruine. Leur nombre, d'après l'intervenant, est de 50 000 habitants, ce qui est énorme et plus que cette cité ne peut contenir. Pour cela, “il faut absolument que l'Etat mette en place un parc logement", soulignera M. Zekagh, qui a signalé que cette opération requiert 793 relogements à titre définitif et 514 relogements à titre provisoire. Mais le problème des squatteurs se pose comme à chaque fois. Dès qu'on vide une maison pour la restaurer, elle est le lendemain habitée par d'autres familles. Le wali d'Alger a justement souhaité avoir des garanties par rapport à cela, et comme solution, M. Zekagh propose à ce que les travaux commencent au même moment où la maison se vide. Toutefois, ce programme de relogement n'est pas encore à l'ordre du jour. Notons aussi que, grâce à l'aide et au soutien des associations (Fondation Casbah, association les Amis de La Casbah, association Rampe Louni-Arezki), l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés détient, aujourd'hui, 347 dossiers de propriétaires. Parmi ceux-là, 120 souhaitent vendre à l'Etat leurs maisons. L'Etat rachètera, restaurera et reconstruira ces bâtisses et les louera ensuite aux personnes qui souhaiteraient y habiter, ou les transformera en centres culturels ou autres. M. Zekagh dira justement, à ce propos, que le souhait est que ce soit les gens de La Casbah qui la [re]peuple une nouvelle fois, et ce, pour qu'ils puissent transmettre leur savoir et savoir-faire. Pour ceux qui souhaitent garder leurs maisons, l'Etat apportera une aide financière qui varie de 25 à 80%. “C'est dangereux de donner de l'argent aux gens. En 1995, on a donné 100 millions à certains", mais l'argent n'a pas toujours été utilisé pour restaurer son chez-soi. Le conférencier a aussi appuyé que La Casbah est un patrimoine national (également patrimoine mondial de l'humanité), donc les propriétaires “n'ont pas le droit de faire ce qu'ils veulent de leurs maisons", d'autant qu'elles sont reliées. Il soulignera la nécessité de l'implication de tous les ministères dans ce plan de restauration, (formation professionnelle, enseignement supérieur, éducation, etc.). Concernant les constructions, le directeur général de l'OGEBC a indiqué que la reconstruction se fera à la méthode traditionnelle, tout en expliquant que la plupart des habitants souhaiteront certaines commodités modernes, ce que le programme de restauration compte bien prendre en charge, mais tout en respectant l'authenticité et la spécificité du site de La Casbah, en proie à des incommodités en tous genres. L'universitaire Djilali Bounouar soulignera que bien que La Casbah soit construite de manière à faire face aux séismes (isolation sismique à la base, initiée en Nouvelle-Zélande dans les années 1980, et on a découvert un équivalent à La Casbah, ce qui a permis la création à l'université de master et de doctorat sur ce qui a été appelé “les anomalies qui protègent"), elle subit toutes sortes de petits autres séismes, des vibrations, notamment celles des voitures. “On a ramené des appareils durant 24 heures pour tester l'impact des voitures, le résultat est que 60% des dégradations sont dus aux vibrations des voitures", a-t-il fait savoir. Il a mis l'accent sur l'enseignement à l'université de la discipline “les Mesures d'urgence", qui n'est en Algérie enseignée qu'aux éléments de la Protection civile, alors que c'est une grande spécialité aux Etats-Unis d'Amérique et au Japon. L'aspect sécuritaire a été soulevé par l'assistance qui a pris part au débat passionné qui a suivi le compte rendu d'Abdelwahab Zekagh. Celui-ci annoncera qu'avec la collaboration de la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), 13 postes de surveillance seront répartis à l'intérieur de La Casbah. Une police urbaniste, qui agira en amont et qui protégera les sites et les restaurateurs également qui ont été, dans certains cas, agressés. Quant aux bâtisses en béton, M. Zekagh a considéré que leur devenir est le “curetage". Rappelons, enfin, que l'enveloppe allouée à la restauration de La Casbah (sur 10 ans) est de plus de 90 milliards de dinars, et une première tranche de ce budget sera débloquée cette année. On en saura davantage dans les mois à venir, notamment si c'est le bon coup cette fois. S K