La justice a le feu vert public du président de la République. Bien sûr, Bouteflika s'est toujours exprimé en apôtre de la lutte contre la corruption. Mais, cette fois-ci, il fait part de sa position au sujet d'un cas identifié de corruption présumée : l'affaire Sonatrach 2, aggravée par “les scandales récemment soulevés par la presse". La presse a justement fait état de “l'implication de personnalités algériennes dans des faits à caractère pénal et plus précisément de corruption lors de l'exercice de leurs fonctions au sein des institutions de l'Etat". Ce qui a déjà conduit le juge d'instruction en charge du dossier Sonatrach 2 à “l'élargissement du champ des investigations à ces faits nouveaux". En lui proclamant publiquement, et de sa propre initiative, sa confiance dans cette affaire en particulier, Bouteflika met l'institution judiciaire devant ses obligations, “pour tirer au clair l'écheveau de ces informations, pour situer les responsabilités et appliquer avec rigueur et fermeté les sanctions prévues par notre législation". Le message présidentiel ne résout pas, à lui seul, la question de la place de la corruption et de la prévarication dans l'équilibre du système politique ni ne résorbe la question de l'indépendance de la justice, tout aussi inhérente à la nature de ce système. Mais, en rappelant à l'occasion, sa confiance en cette justice dans ces scandales qui, dit-il, “soulèvent notre révolte et notre réprobation", le Président lui ôte, sur les plans public et communicationnel, l'excuse de l'interférence politique. Peut-être que l'intention du Président était-elle d'abord de rappeler que c'est à lui qu'il faut s'adresser quand il s'agit d'en appeler au garant d'une justice indépendante. Mais, et quoi qu'il en soit, l'affaire Sonatrach 2, plus qu'aucun autre scandale politico-financier passé, constitue, désormais, un test pour tous les protagonistes institutionnels quant à la problématique de la transparence. La publicité qui lui est faite, par des parquets et des médias étrangers, fait que l'on ne peut plus, à aucun niveau de l'Etat algérien, “passer sous silence" le scandale, comme le concède Bouteflika lui-même. Il ne serait pas concevable que les affaires Sonatrach-Saipem, Sonatrach-SNC Lavalin soient traitées par des justices étrangères, sans que ne soit rempli, par la justice algérienne, le rôle qui lui revient. Pour le pays, ce serait une preuve solennelle et cinglante d'Etat de non-droit ; pour les institutions défaillantes, un aveu de complaisance dans la défense même d'un système politique à finalité prévaricatrice. Sous le régime actuellement en place, les détournements et malversations ont constitué une activité soutenue et une pratique dévastatrice pour l'économie nationale, finissant de ternir l'image du pays. Malgré cela, le message sur l'affaire Sonatrach pourrait constituer une rupture dans le traitement institutionnel des faits de corruption. Il montre la nécessité pour le pouvoir, en général, de changer d'attitude devant ce fléau. Enfin, un anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures qui inaugure la restitution de leur vocation nationale à nos ressources naturelles du pays ? Ou bien, faudrait-il convenir qu'il serait plus ardu de se défaire de la mafia, que de se libérer de la colonisation ? M. H. [email protected]