Les ayatollahs ont trouvé la parade pour faire barrage à la progression de la démocratie en Iran. Les candidats aux législatives jugés réformateurs sont mis sur la touche. Les commissions de surveillance des élections ont déclaré inéligibles 3 600 candidats dont des députés réformateurs qui veulent un autre mandat. Les conservateurs, craignant une déferlante moderniste, ont instrumenté leur pièce maîtresse, le Conseil constitutionnel qui porte bien son nom en Iran sous l'appellation de “conseil des gardiens”. Selon Kharoubi, député réformateur le plus en vue et président du Parlement, les candidats invalidés sont accusés de “non-respect à l'islam” sinon déclarés par les gardiens du dogme khomeyniste inaptes à légiférer. Les réformateurs ont beau clamer depuis dimanche que les candidats rejetés sous ces accusations infamantes sont plutôt des personnes appréciées par les électeurs pour leur droiture et leurs aspirations à accompagner l'Iran dans la modernisation de sa société, y compris l'établissement de la démocratie, le refus des gardiens des valeurs de la république islamique doit être considéré, aux yeux de Khamaneï, l'héritier spirituel de Khomeiny, comme une fetwa. Donc indiscutable. Les députés réformateurs ( 83) ainsi que des gouverneurs de provinces (27) menacent de démissionner si le rejet des 3 600 candidatures est maintenu. Face à la perspective d'une grave crise politico-institutionnelle qui portera préjudice aux ayatollahs déjà assez mis à l'indexe sur la scène internationale, le président Khatami tente de calmer le jeu, appelant à l'apaisement. Pour les réformateurs, voilà longtemps que Khatami a baissé les bras, se détournant de son propre électorat (il a été élu deux fois par un électorat entraîné par les réformateurs). Chassez le naturel, il revient au galop : le président iranien est entré en politique comme ministre de la culture, sous Khomeiny. Les parlementaires réformateurs, qui observent un sit-in devant le Parlement, sont décidés d'aller jusqu'au bout avec l'idée d'acculer Khatami à une position plus ferme contre le Conseil des gardiens et les ayatollahs. Les réformateurs iraniens pensent que la situation est propice et que la marge des religieux s'est nettement rétrécie avec les pressions qu'ils subissent de l'extérieur. Téhéran a été obligé d'ouvrir ses installations nucléaires à l'AIEA et les Etats-Unis n'ont pas arrêté de chercher la faille qui contraindrait les autorités iraniennes à se conformer aux standards internationaux. Washington leur a même tendu une perche après le séisme de Bam, espérant l'ouverture de l'Iran sous l'humanitaire. Il reste qu'à l'intérieur de l'Iran, le camp moderniste n'a pas cessé de s'élargir. Aux étudiants universitaires et intellectuels (la classe moyenne en générale) qui revendiquent carrément la séparation du politique du religieux, affrontant les forces de sécurité dans les campus et même au cœur de Téhéran, s'est adjoint, depuis décembre dernier, la voix du prix Nobel de la paix, l'avocate Serin, qui prêche — en Iran et à l'étranger — la révolution démocratique. D. B.