Il ne faisait plus de doute hier que la parenthèse réformatrice est bien refermée. Les élections législatives de 2004 en Iran auront été pour les conservateurs, évincés du parlement en 2000, de faire leur retour au grand dam des réformateurs pratiquement mis devant le fait accompli avant même l'ouverture du scrutin de vendredi. Certes, hier, les résultats demeuraient partiels et ne seront connus qu'aujourd'hui, mais il ne faisait pas de doute pour les observateurs que les jeux étaient faits et que les conservateurs ont réussi leur coup de bouter les réformateurs hors du parlement. En réalité, après la grande «lessive», faite par les gardiens de la Constitution, qui disqualifièrent la majorité des candidats réformateurs et indépendants, la voie était dégagée pour le retour annoncé des conservateurs et néo-conservateurs à la hiérarchie du pouvoir en Iran. Le scrutin de vendredi a été pour les durs du pouvoir religieux une formalité et un juste retour aux choses. En fait, le suspense devenant inexistant, pour ce qui était de la composante de la future cham-bre basse iranienne, demeurait toutefois l'inconnue du taux de participation qui, en définitive constituait le véritable enjeu de cette consultation électorale, singulièrement du fait de l'engagement personnel du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, pour qu'il y ait un «vote massif» de la part de la population. Cet objectif a-t-il été atteint? De fait, au vu de l'absence de données chiffrées du taux de participation - peu d'informations étaient disponibles à ce sujet au long de la journée de vendredi, pas plus du reste qu'hier où aucun chiffre n'a été divulgué - analystes et observateurs se perdaient en conjectures. D'ailleurs la fermeture du scrutin, qui devait intervenir à 18h locales a été reportée à trois reprises pour n'avoir lieu qu'à 21h (17h30 GMT). En l'absence du taux marquant la progression du vote, tout un chacun avait le loisir d'en faire la lecture qui lui convenait le mieux. Ainsi, pour la radio d'Etat, dominée par les conservateurs, cette prolongation des délais de vote s'expliquait par «la forte participation des électeurs», ce qui n'est pas de l'avis des réformateurs et indépendants qui estiment que la population n'a pas répondu massivement à l'appel du Guide suprême, d'où les retards, selon eux, apportés à la fermeture des bureaux de vote. A l'évidence, il faudra attendre les résultats officiels, sans doute proclamés aujourd'hui, pour connaître le poids réel des votants et avoir une idée des nouveaux contours du champ politique iranien dans lequel les conservateurs reviennent en force, après avoir été laminés en 2000 par la génération montante des «religieux modérés» dont le président Mohamed Khatami en était le plus représentatif. Cependant, durant son mandat de quatre ans, le parlement réformateur n'a pu mettre en exécution aucun des projets de réforme, combattus alors par les conservateurs qui dominaient, et dominent toujours, les principaux leviers du pouvoir, (la justice notamment qui a fait de la chasse aux réformateurs et notamment à la presse d'opposition, l'une de ses constantes) contrecarrant les velléités de réforme des amis de M.Khatami. Le moins qui puisse être dit est que, contrairement au précédent soviétique de la Perestroïka initiée par Mikhaïl Gorbatchev, Mohamed Khatami n'a pas réussi lui sa «glasnost islamique» s'enferrant dans un légalisme étroit qui a desservi sa cause. De fait, selon un journaliste iranien, Mohamed Khatami «a essayé de plaire à tout le monde, les gens qui voulaient les réformes et le régime qui n'en voulait pas». En fait, maintenant que les jeux semblent faits, il faut encore relever que le président réformateur ne s'est pas donné les moyens de sa politique, s'épuisant à convaincre les conservateurs, qui ne s'embarrassaient pas d'état d'âme, du bien-fondé des réformes qu'il voulait introduire dans la République islamique. En fait, les tergiversations du président iranien l'ont desservi auprès des démocrates et des indépendants. C'est au plan international que le président réformateur, qui plaidait pour le «dialogue des civilisations» a réussi une véritable percée par le tour de force de desserrer l'isolement de l'Iran en donnant du régime des mollahs une image de modération. Ce qui restera à son actif, si par ailleurs il échoua dans sa tentative de réformer le pays pour en faire une véritable «démocratie islamique», où Islam et droits citoyens auraient trouvé à se compléter.