Un colloque international sur l'œuvre de l'écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri s'est ouvert hier et prendra fin aujourd'hui, à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Il a été organisé en partenariat avec la Coordination internationale des chercheurs sur la littérature maghrébine (Ciclim) et placé sous le thème : “De la voix à la lettre ou le dialogue des cultures : du particulier à l'universel, du même à l'autre à travers soi". Les conférenciers, qui se sont lancés dans un discours passionné et même quelquefois contradictoire, leur statut de professeur y oblige, ont revisité certaines facettes de l'œuvre de l'écrivain qui a su faire de la rupture un moyen de transition de l'oralité vers l'écriture, mais aussi une quête de ressourcement et de changement pour soi-même d'où “la traversée du désert" notamment. Mme Boukhlou, enseignante à l'université de Tizi Ouzou, est revenue dans son allocution sur l'œuvre de Mammeri par une conférence intitulée “Du cri à l'écriture, ou l'aventure de la voix berbère". Elle s'est étalée sur la place de l'“amusnaw", le savant et de “tamusni", le savoir, dans l'œuvre de l'auteur de la Colline oubliée, mais aussi de l'Awal, la parole, retrouvée, comme voix de la berbérie. Il était question également de ce passage de l'oralité vers l'écriture par l'histoire, toujours dans la Colline oubliée, à travers des personnages : Aazi, Mokrane et Tassadit, la gardienne de la mémoire et par des lieux, à Tasga, le village, comme un lieu de souvenir. Et de revenir sur le choix de Mammeri d'aller dans le désert pour retrouver le souffle, le calme, la rupture notamment avec soi. Une forme de distanciation voulue pour retrouver la quiétude. Le désert est à ce stade un lieu de mémoire, là où l'esprit revient par la force de la poésie et du rêve. Une quête de sens. “Le jour je suis Aazi, et la nuit, la fiancée du soir", Aazila muse. Suivant le programme de cette rencontre, qui se poursuivra encore aujourd'hui, autour d'une œuvre, celle d'un monument qui est Mouloud Mammeri, d'autres conférences- débats animées par des universitaires algériens et étrangers sont au menu. Ils reviendront sur une œuvre qui épouse des genres multiples, romans, nouvelles, pièces de théâtre... Mammeri, un écrivain qui a mis aussi sa plume au service de la cause algérienne et a rédigé des lettres à l'ONU dans lesquelles il met en exergue notamment la détermination du peuple algérien à s'affranchir du joug colonial. Entre 1962 et 1972, Mammeri a exercé comme professeur à l'université d'Alger où il a enseigné en parallèle le berbère. De 1969 à 1979, il est directeur du Centre de recherches anthropologiques préhistoriques et ethnographique à Alger. L'interdiction d'une conférence de Mammeri à Tizi Ouzou sur la poésie kabyle ancienne est à l'origine des évènements du Printemps berbère. En 1982, il fonde à Paris le Centre d'études et de recherches amazighes et la revue Awal et reçoit le titre de docteur honoris causa à la Sorbonne. Il décède le 26 février des suites d'un accident de voiture près d'Aïn Defla, alors qu'il revenait d'un colloque d'Oujda, au Maroc. K. T