Des participants au colloque scientifique sur l'œuvre littéraire de Mouloud Mammeri qui s'est ouvert samedi, à Tizi-Ouzou, ont plaidé en faveur d'une nouvelle approche de l'œuvre de cet écrivain, pour la faire sortir de la catégorie de "Romans ethnographiques" dans laquelle elle est confinée. Le Pr Charles Bonn, spécialiste de la littérature algérienne et président d'honneur de la coordination internationale des chercheurs sur les littératures maghrébines (CICLIM), a insisté sur la nécessité de "remettre en cause l'idée véhiculée par les premiers critiques de la littérature maghrébine tel que Abdelkebir Khatibi et jean Déjeux, selon laquelle, la fonction de cette œuvre est de "montrer la culture algérienne face à un discours négatif et négationniste du colonisateur". "Il s'agit là d'une théorie post-coloniale dictée par le contexte de l'époque et qui se retrouve aujourd'hui décalée", a-t-il soutenu. Ce même intervenant a souligné la nécessité de mettre en exergue la dimension tragique de l'œuvre de Mammeri notamment dans le roman "La colline oubliée" qui peint une société traditionnelle kabyle qui est en train de disparaître sous l'effet de la modernité. Le Pr Yamilé Ghebalou, de l'école nationale des sciences politiques d'Alger, a estimé que la description de la société kabyle dans "La colline oubliée", description qui lui a valu d'être classée dans la catégorie de romans ethnographiques, était un moyen pour Mouloud Mammeri de "passer du particulier vers l'universel". L'œuvre de Mammeri est "préservatrice de soi, dans sa spécificité fondatrice et irréductible, elle n'est, néanmoins, jamais fermée sur elle même puisqu'elle convoque l'autre, qu'elle défend", ont précisé ces deux conférenciers qui citent l'essai "la mort absurde des Aztèques" comme exemple de ce dialogue et de cette ouverture. Les travaux de ce colloque organisé par la direction de la culture de Tizi-Ouzou et l'université Mouloud Mammeri, se poursuivront dimanche avec d'autres communications qui seront données par des spécialistes des universités de France, Autriche, Tiaret et Tizi-Ouzou. Mouloud Mammeri est né le 28 décembre 1917 à Taourirt Mimoun dans la commune d'Ath Yenni. Après des études supérieures, il enseigne à l'université de Médéa et d'Alger. Il enseigne l'ethnographie à l'université d'Alger, où il donnait également des cours de berbère de 1962 à 1972. Parmi ses œuvres "La colline oubliée", son premier roman publié en 1952, suivi du "Sommeil du juste" en 1955, puis "L'Opium et le bâton" en 1965. Il a également touché à d'autres disciplines telles que le théâtre avec la pièce "Le banquet", la linguistique, en rédigeant des lexiques dont "Amawal" et l'ethnographie. Il est mort, le 26 février 1989, dans un accident de la route près de Ain Defla, en rentrant du Maroc où, il venait de participer à un colloque sur les langues maternelles.