Une atmosphère électrique a régné dans la journée de samedi dernier, dans la petite et charmante ville de Menâa, au troisième jour de la célébration de Thifsouine (la fête de l'arrivée du printemps selon le calendrier berbère agricole). Bien sûr, en dépit de la rivalité entre partisans et opposants pour la forme de la fête, le rendez-vous a eu quand même lieu et le programme s'est déroulé comme convenu, grâce à la sagesse et au bon sens des éléments du mouvement associatif qui ont préféré mettre en sourdine leur différend. Comme de coutume, le rendez-vous a drainé du monde, beaucoup de monde, de la ville de Menâa et ses environs. Mais aussi des villages et villes limitrophes, aussi bien de la wilaya de Batna, que des localités voisines. Les Menâoui ont pris l'habitude d'accrocher leurs plus beaux tapis sur les terrasses et balcons à chaque Thifsouine, depuis la nuit des temps, aussi bien pour fêter l'arrivée du printemps, mais aussi pour la fête. Et ils n'ont pas dérogé à la règle cette saison. Des terrasses bariolées par une tapisserie maison, dont certains tapis sont séculaires, nous disent fièrement les habitants de Thiqliâine (l'ancien village) où avait séjourné la grande anthropologue Germaine Thillon, qui n'est pas inconnue ici. Troupe folkloriques, baroudeurs, cavaliers sur cheval barbe et troubadour étaient en tête d'affiche pour inaugurer et donner le la à Thifsouine. “Oyez oyez, braves gens" a lancé le berrah (crieur public) pour que la fête commence. Dans une atmosphère envoûtante chargée d'odeur de baroud, les présents ont entamé des danses et une chorégraphie en groupe. On peut citer les troupes traditionnelles Irahaben sur la place publique du village, où plusieurs centaines de personnes sont venues assister et prendre part aux festivités. Car selon la légende berbère (chaouie), la récolte de la saison dépend en grande partie de la pureté et de la sincérité des agriculteurs, que Dieu récompensera. Les visiteurs et curieux qui sont venus d'un peu partout ont eu droit à des visites guidées dans l'ancien village, mais aussi à goûter à différents mets et plats préparés à l'occasion. Ziraoui, galette, petit-lait, dattes, bien sûr “bio" tient à nous le préciser notre jeune compagnon, qui habite la dechra même, et il ne compte pas abandonner la maison de ses ancêtres, jusqu'à ce que les autorités décident de réaliser un plan de sauvegarde, comme cela se fait ailleurs. Et “nous sommes en plein sujet qui fâche". Après la démonstration des baroudeurs et des troupes folkloriques, les présents se sont dirigés vers une placette réservée à une partie de thakourth (l'ancêtre du hockey), où deux équipes se sont donné la réplique sous les applaudissements des présents, qui ont fortement apprécié aussi bien la partie que la nature des alentours, où se trouve une belle cascade d'eau. L'ancien village (dechra) commence à se fatiguer, on constate des murs fissurés et d'autres écroulés. Une menace s'annonce sur la structure de l'ancien village, sachant que localement (au niveau de la wilaya et du secteur de la protection du patrimoine), le village est classé fragile. Affaire à suivre. R H