Dans le cadre des festivités du traditionnel et séculaire Thifsouine (le retour du printemps selon le calendrier agricole berbère), un débat acide s'est tenu, entre partisans et opposants, non pas dans le domaine culturel et social, mais sur sa forme actuelle qui nuit et porte préjudice à l'ancien village Thikliaine, l'ancien Menaâ. Un village qui souffre d'un état de délabrement assez avancé. Si la fête s'est déroulée jusqu'au 2 mars, sans le moindre heurt entre les différents antagonistes, on a pu entendre des joutes verbales d'une rare violence. Nous avons pris soin de couvrir la fête et la cérémonie sans nous impliquer. Car ce n'est aucunement notre mission, même si nous avons été pour cible, par certains organisateurs, qui nous reprochent d'avoir invoqué l'an passé le même souci qui refait surface, à savoir la protection du patrimoine architectural. Hamid Aksa dit (Axel), militant de la première heure pour la protection du patrimoine architectural (toute l'ancienne Menaâ) et fervent défenseur du classement et de la protection de la dechra, a aussi contribué à la relance de Thifsouine, qu'il considère comme un legs et un patrimoine de notre civilisation amazighe. Ce militant qui ne mâche pas ses mots a condamné, sans ambages, la tournure qu'on a donnée à ce rendez-vous. Dans une qachabia râpée mais authentique, Axel se dit consterné par cette mystification. “Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer, tellement la situation est pathétique. Ceux et celles qui veulent être aujourd'hui à la tête de l'organisation de Thifsouine se sont opposés, il y a quelques années, à ce même rendez-vous." Et d'ajouter : “Tenez-vous bien, ils nous reprochaient d'écrire en tamazight et d'inviter des militants qui défendaient et défendent la culture, l'histoire, la civilisation et l'identité berbères. On n'a pas besoin d'être politologue pour se rendre compte qu'il y a récupération." Des années durant, les responsables locaux se sont tenus à une distance respectable, évitant toute implication dans ce rendez-vous dit berbériste. Or on constate qu'aujourd'hui ils sont aux premiers rangs et même aux commandes de cette rencontre printanière, toutes couleurs politiques confondues, et bien sûr en écartant les véritables précurseurs. Aksa Hamid indique qu'il se désintéresse totalement de la politique et de l'utilisation de celle-ci à des desseins inavoués. Ce qui l'intéresse, c'est la protection du village et sa restauration et l'interdiction de l'usage du béton qui défigure totalement l'authenticité des lieux. Président de l'association Tidoukla n'Menna (les amis de Menaâ), Hamid Aksa a lancé un appel de détresse (il y a une semaine, une maison du village s'est écroulée) à d'autres collectifs et associations, notamment SOS Imedghassen, l'association de Germaine Thillon (l'anthropologue a séjourné pendant longtemps dans le village). “Cette demande d'aide est dans le but de restaurer et renforcer l'ancien village, sinon nous risquons de célébrer les prochaines éditions de Thifsouine sur des décombres", a conclu Axel. R H