L'état actuel du tombeau royal berbère Imedghassen prête à l'inquiétude. Force est de constater que le site se portait beaucoup mieux avant des travaux portant sur un projet de conservation et de préservation sous la responsabilité de la wilaya de Batna, la direction de l'urbanisme de la wilaya et un bureau d'études 3D de la ville d'Alger, il y a plus d'une dizaine d'années. Des craintes, des mises en garde ont été formulées par des spécialistes et des différentes associations qui s'interrogeaient légitimement sur les objectifs et les motivations réelles de ces travaux inadéquats. Beaucoup d'autres se demandent si des historiens et archéologues n'avaient pas cautionné une approche aussi fantaisiste que dangereuse. À la fragilité du site, s'ajoutent des engins lourds qui ont été utilisés pour éventrer le tombeau et créer une ouverture béante en son sommet sans jamais remettre la centaine de pierres enlevées - qui, jusqu'à aujourd'hui, gisent autour du mausolée. Y a-t-il eu atteinte irréversible et perte d'authenticité suite à cette opération ? Pour le mouvement associatif, et plus particulièrement l'association Tidoukla n'Madghouss (les amis d'Imedghassen), il y a eu préjudice et atteinte au patrimoine matériel. Le groupe a choisi la toile du net pour lancer une collecte de plus de 5000 signatures. Les initiateurs se portent aussi partie civile, dans une plainte contre X “pour dégradation de site, préjudice au patrimoine national et saccage prémédité”. Le tombeau berbère Imedghassen (Batna) figure, avec le mausolée de Massinissa à El-Khroub (Constantine), sur la liste des 100 sites les plus menacés au monde. Il est de forme typiquement berbère : une bazina (la forme primitive du tombeau) à degrés, c'est-à-dire une construction de forme cylindrique surmontée d'un cône formé de gradins. Il fait 59 m de diamètres et 18,50 de hauteur, ce qui le distingue des bazinas qu'on rencontre en Afrique du Nord qui ne dépassent pas le mètre de hauteur. Le tombeau Imedghassen est considéré comme le plus ancien site archéologique en Afrique du Nord, mais aussi comme étant la première tentative pour l'édification d'un Etat amazigh. Habillé d'un décor sobre qui rappelle la civilisation carthaginoise (60 colonnes doriques surmontées d'une corniche dont la gorge est typiquement égyptienne), une plate-forme au sommet supportait peut-être une sculpture (lion, chariot ou autres sujets souvent utilisés dans la civilisation berbère), et, côté est, un dallage forme un avant-corps en partie revêtu d'un enduit pourpre. Ce côté est servait, selon les spécialistes, de lieu de culte. L'analyse de l'architecture du monument et les datations au radiocarbone, effectuées il y a une trentaine d'années, ont permis de faire remonter sa construction au début du IIIe siècle avant J.-C. Imedghassen ne peut être que la sépulture d'un puissant monarque, selon le spécialiste de la préhistoire G. Camps. Le repère chronologique, la situation du mausolée dans l'air de la mouvance de la dynastie amazighe des Massyles permettent d'identifier le tombeau et le nom Imedghassen comme un ancêtre du roi Massinissa. Il est à signaler, par ailleurs, que depuis que le ministère de la Culture a pris en charge le dossier de restauration du tombeau Imedghassen, beaucoup ont vu un espoir renaître quant à une véritable protection du site. R H