Encore sous le coup de l'émotion, la population de Constantine participe, aux côtés des services de sécurité, aux opérations de recherche des deux garçons. Traînant leurs cartables sur le dos, des enfants âgés de 9 et 10 ans, et peut-être moins, portaient à la main des affiches avec le signalement de Haroun et Brahim, qu'ils montraient aux passants, allant presque jusqu'à faire du porte-à-porte. “Vous n'auriez pas vu mes amis", disait avec un visage défait, l'un d'eux. Le drame atroce qui a frappé, samedi, les familles de deux enfants enlevés en pleine après-midi, à la nouvelle ville Ali-Mendjeli, continue de susciter une vive émotion, mais également une forte mobilisation de la part de la population qui participe, depuis les premières heures du rapt, aux côtés des services de sécurité, aux opérations de recherche qui se poursuivaient encore hier, dans l'espoir, aussi faible soit-il, de retrouver les deux enfants. Ils étaient des dizaines, voire une centaine de personnes à s'être rassemblées à l'entrée de l'immeuble situé à l'unité de voisinage (UV 18), où habite la famille de l'un des deux petits garçons enlevés, à savoir Brahim, âgés de 9 ans, et dont on n'a aucune nouvelle d'eux depuis samedi dernier. L'impression que nous avons eue dès notre arrivée nous faisait penser qu'il s'agissait d'un enterrement. On avait, d'ailleurs, du mal à se frayer un chemin au milieu de la cohue, où se mêlaient émotion, colère et indignation à des commentaires et des hypothèses à tout-va ! Dans un appartement qu'ils habitent depuis janvier 2010, la mère de Brahim, femme au foyer, à peine la quarantaine entamée, traînait les stigmates d'une nuit passée sans sommeil à guetter la moindre bribe d'information concernant son fils qui, faut-il le souligner, est le seul garçon d'une tribu de 7 enfants. Ce fils dont elle était si fier, parce qu'il s'apprêtait à passer un concours d'apprentissage du Coran à la mosquée de la nouvelle ville. Les yeux rouges à force d'avoir pleuré au point où elle n'avait plus de larmes, cette femme, qui avait du mal à placer un mot devant l'autre, n'avait de cesse de répéter qu'elle ne reverra plus jamais son fils. Sans oublier les images sombres qui traversaient son esprit et qu'elle essaye d'évacuer tant bien que mal, tant que son fils n'est pas à ses côtés. En effet, le cauchemar ne faisait que commencer. Dès qu'ils ont appris la nouvelle, les gens affluaient de partout. Amis, proches et même des anonymes venaient manifester leur soutien, mais également apporter leur aide. Les camarades de classe des deux disparus étaient également présents sur les lieux et tenaient absolument à participer aux recherches. Il faut dire que depuis la disparition de Haroun et Brahim, leurs photos ont été affichées sur tous les murs de la nouvelle ville, mais on les retrouve également dans les administrations, les écoles, les hôpitaux, les pharmacies, les marchés et même dans les taxis. Tout le monde s'est mobilisé d'une façon ou d'une autre. Des jeunes âgés de 20 ans et plus, excédés par le retard de l'intervention des services de sécurité, se sont organisés par groupes de 10 personnes et ont mis en place un dispositif de recherche qui englobait toutes les unités de voisinage de la nouvelle ville, en vain. Fait marquant dans cette histoire dramatique, est que les parents ont soudain pris conscience que leurs enfants ne sont pas en sécurité. Hier, tous les enfants que nous avons rencontrés sur le trajet menant du centre ville à la nouvelle ville Ali-Mendjeli étaient systématiquement accompagnés d'un adulte. Au point où on signala des embouteillages aux alentours des écoles primaires, surtout où les parents attendaient la fermeture des portes de l'établissement pour partir. Tout a commencé le 9 mars Il était 15h30 en cette journée de samedi. Brahim et Haroun étaient en train de jouer avec un chiot qu'ils avaient trouvé, quelques jours plutôt, dans un terrain vague non loin de la maison, lorsqu'un homme âgé d'une trentaine d'années, très grand, portant une veste en cuir au-dessus d'un sweet à capuche, s'approcha d'eux et leur demanda de lui indiquer où se trouvait l'unité de voisinage (UV19). Sans se douter du danger qui les guettait, les deux enfants accompagnèrent l'individu qui les emmena quelques mètres plus loin avant d'emprunter une bifurcation où un autre individu, sans doute son complice, dans une voiture de couleur blanche, selon les déclarations d'un témoin, les attendait. Les enfants montèrent à bord sans pour autant y avoir été forcé, toujours selon le témoin oculaire qui avait assisté à la scène, à savoir un petit garçon du même âge. À la tombée de la nuit, Haroun et Brahim ne rentraient toujours pas à la maison. Les parents, inquiets, commencèrent à les chercher, dans les moindres coins et recoins du quartier, lorsqu'un petit garçon, qui jouait avec les victimes plutôt dans la journée, les informa que ces dernières sont parties avec un homme dans une voiture. Les parents décidèrent, alors, de s'adresser à la police urbaine de la nouvelle ville où ils déposèrent une plainte contre X pour enlèvement. Cependant, les recherches ne commencèrent que deux heures plus tard, soit tard dans la soirée, pour des raisons de juridiction ! En effet, selon des sources concordantes, la Gendarmerie nationale de Constantine n'a reçu l'ordre d'entamer les recherches que 4 heures après le dépôt de plainte, puisqu'elle n'était pas dans sa juridiction. La police qui, elle, était dans sa juridiction, a lancé l'opération de recherche également au même moment. Un facteur qui a, sans doute, favorisé la fuite des ravisseurs. Selon les premiers éléments de l'enquête dont nous avons eu écho, ces derniers savaient exactement ce qu'ils faisaient et avaient tout préparé à l'avance. Ils avaient, en effet, choisi le moment propice pour enlever les deux petits garçons, puisque ce jour-là, le club phare de la ville des Ponts, à savoir le CSC, disputait un match comptant pour la 24e journée du championnat contre le MCA. Et tout fin connaisseur de football sait que lorsqu'il y a un match du CS Constantine, la nouvelle ville Ali-Mendjeli, à l'instar du centre-ville, se vide complètement de ses habitants. Autre élément relevé par nos sources est que les victimes pouvaient connaître leurs ravisseurs, étant donné que ces derniers n'ont pas usé de la force. Ajoutant à cela l'absence quasi totale de sécurité et qui favorise la recrudescence de la criminalité, maintes fois dénoncée par les habitants. En effet, il existe deux commissariats opérationnels seulement pour une population de près de 200 000 habitants, soit un policier pour 1 693 habitants. INES BOUKHALFA/L. N.