Le président de la République s'est exprimé, pour la seconde fois, hier, au sujet de la corruption. “La loi s'appliquera dans toute sa rigueur car l'Etat est déterminé à imposer le sérieux et l'intégrité dans le travail et n'hésitera pas à demander des comptes à toute personne coupable aux yeux de la loi, tout en veillant à recouvrer les droits spoliés", a précisé Bouteflika dans un message adressé à un séminaire sur l'ALN, organisé en commémoration du 19 Mars. “La justice jouit aujourd'hui de la compétence qui la conforte dans son action", a assuré le Président. Le même jour, le ministre des Finances déclarait : “Toute personne impliquée dans la corruption sera poursuivie et sanctionnée." Et d'ajouter : “Les textes qui sont le soubassement à cette lutte ont été produits et les entités créées" ; “l'action finira par porter ses fruits". Les deux discours se rejoignent en ce qu'ils renvoient la question dans le camp de la justice. Maintenant que “la compétence" judiciaire est enfin acquise, les “textes" promulgués et “les entités" créées. Ce qui revient à dire que, si les détournements ont pu, jusqu'ici, proliférer, cela était à imputer au fait que les magistrats manquaient de formation, ou d'expérience, et que la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent manquait d'instruments juridiques et institutionnels. Ainsi formulée, l'approche du problème fait de la lutte contre la corruption un problème “technique". Et la propagation des faits de corruption, observés ces dernières années, s'avérerait, donc, dépourvue de tout fondement politique... Ce problème “technique" a connu, étrangement, un début de règlement, juste au moment où des justices étrangères se sont mises à divulguer des informations qui renvoyaient à l'implication probable de responsables politiques ! Car, en effet, l'élargissement de l'affaire Sonatrach à d'autres suspects n'aurait pas été possible sans la pression indirecte de la direction prise par l'affaire Saipem. La lutte contre la corruption a toujours été un slogan constitutif du discours du régime. Elle a justifié la révision du code pénal, la création d'instances de prévention et de lutte, et même les augmentations de salaires de cadres fonctionnaires, “pour les mettre à l'abri de la tentation". Aujourd'hui, l'on voudrait que l'affaire Sonatrach, au lieu de révéler la réalité prévaricatrice de la gestion du patrimoine national, constitue l'expression de la volonté politique quant à une saine gestion des ressources du pays. “L'Etat... n'hésitera pas à demander des comptes à toute personne coupable aux yeux de la loi", a dit Bouteflika, dans son message ; “toute personne impliquée dans la corruption sera poursuivie et sanctionnée", a dit Djoudi, dans son entretien radiophonique. Certes, la justice individualise les responsabilités, mais cette insistance à rappeler que la corruption est une affaire de “personnes" vise à contester la nature systémique même de la corruption qui sévit en Algérie. D'ailleurs, maintenant que les présomptions impliquent des responsabilités hors et “au-dessus" de Sonatrach, il serait injuste de continuer à parler d'affaire “Sonatrach"... ou BRC... Les suspects se comptant parmi les responsables politiques, les structures, et leurs cadres, sont victimes d'affaires de corruption... politique. M. H. [email protected]