Comme en pareille circonstance, à l'approche d'un tel évènement, la capitale est en effervescence. Alger, jadis la Blanche, s'est à cet effet drapée de son plus beau et ensorcelant costume de gala pour vivre comme il se doit cette affiche qui fait vibrer son cœur populaire et tient en haleine ses quartiers historiques. La finale de la Coupe d'Algérie est programmée pour ce mercredi et opposera, à partir de 16h, le Mouloudia d'Alger à l'USMA. Mais la finale, la vraie, celle de la rue, des supporters, des quartiers populaires et des peuples de supporters a commencé depuis déjà quelques semaines. Un simple tour dans le cœur même de la cité algéroise permet, ainsi, de s'en apercevoir, de vivre cette finale avant l'heure et de s'imprégner de l'ambiance, toujours joviale et bon enfant, qui y règne. A la Casbah, Bab El-Oued et Soustara, le blanc n'est plus de vigueur. A la mode, le rouge évidemment, mêlé tantôt au vert, tantôt au noir, selon l'appartenance à la famille mouloudéenne ou à la communauté usmiste. Le ton a, d'ailleurs, été lancé dès la qualification du Mouloudia d'Alger à la finale aux dépens de l'Entente de Sétif. La soirée et la nuit ont été très longues dans le vieux quartier de Bab El-Oued, et les festivités des supporters du Doyen ont duré jusqu'au petit matin. L'ambiance était tout simplement extraordinaire, chauffée et rehaussée par la participation au traditionnel défilé d'après-qualification par trois de ses principaux acteurs, à savoir le gardien de but Faouzi Chaouchi et les défenseurs Abderrahmane Hachoud et Abdelkader Besseghir, venus fêter “avec le peuple" cette belle victoire, aux dépens du tenant du titre, assortie d'une qualification à la septième finale de l'histoire du prestigieux club algérois. Ne jugeant la fête complète qu'en présence de l'éternel rival usmiste en finale, les supporters du MCA avaient alors scandé à la gloire du club de... Soustara, espérant haut et fort la qualification de l'Ittihad pour “être sûrs de brandir le trophée à l'occasion de cette cinquième finale entre voisins". Le vœu de cette marée humaine ayant été exaucé le lendemain à la faveur du passage en finale de l'USMA après un âpre combat à Oran chez le MCO, la “vraie" fête pouvait dès lors commencer. Drapeaux géants à l'effigie des deux clubs rivaux, des banderoles tout aussi géantes de plusieurs mètres accrochées aux balcons, par-dessus les immeubles ou carrément aux poteaux électriques, sur la devanture des magasins ou drapant des rues et ruelles entières, le vieil Alger ne vit, depuis, que pour “sa" finale. Cette effervescence, bien qu'elle embellisse le quotidien des habitants et rythme leur printemps triplement coloré en vert, rouge et noir, profite en parallèle aux nombreux jeunes et moins jeunes vendeurs de tout ce qui se rapporte aux deux finalistes, qui voient leur chiffre d'affaires exploser en cette fin du mois d'avril. Tout y passe : maillots, shorts, survêtements, drapeaux, fanions, écharpes, écussons, montres, CD, DVD, photos, chapeaux, fumigènes, feux de Bengale, casquettes, bracelets, poupées et autres gadgets de circonstance. Tout est vendu, ou presque. Et tout est à la portée de tout le monde, de la petite bourse du chômeur, comme du supporter-salarié qui ne regarde pas vraiment à la dépense pour se faire plaisir, faire plaisir et marquer son appartenance au Mouloudia ou à l'USMA. Cette ambiance de fête donne d'ailleurs aux populaires quartiers de la capitale des airs de gigantesque kermesse à ciel ouvert, tant la passion qui anime les supporters ne s'est jamais estompée depuis déjà quelques jours et monte même crescendo au fil des heures et à mesure que le jour J approche. Mais ce qui caractérise et singularise encore plus les préparatifs de cette si attendue finale demeure assurément ce fair-play total qui règne en maître absolu entre les deux galeries, usmiste et mouloudéenne. Cela s'explique certainement par le fait que dans le même quartier, dans le même immeuble, dans la même maison et la même famille, chacun des deux clubs possède ses propres supporters. “Je suis un inconditionnel du Mouloudia, mon épouse et mon fils supportent l'USMA" ; “Je vais avec mon frère au stade, lui est un pur Usmiste alors que je suis un authentique Mouloudéen" ; “A la maison, on est partagés entre le MCA et l'USMA. Alors, c'est sûr qu'il y aura des déçus au coup de sifflet final comme il est certain qu'il y aura des heureux ! Ce qui est le plus important, c'est cet esprit de fête, de rivalité dans la bonne humeur et de partage qui nous unit à chaque derby, qui plus est lorsqu'il est question d'une finale de la Coupe d'Algérie !" sont d'ailleurs des “aveux" qui reviennent très souvent et à chaque coin de rue depuis que l'affiche de ce match choc aux enjeux chics est connue de tous. C'était, d'ailleurs, les mêmes refrains et la même rengaine qu'en 2006 et 2007, dates des deux dernières confrontations à ce stade de la compétition entre les deux géants algérois, tout comme c'était le cas en 1971 et 1973. Et entre ceux, Mouloudéens, qui se frottent déjà les mains à l'idée d'une septième coupe, “la cinquième face au même adversaire qu'on bat toujours lorsqu'on se rencontre en finale" et ceux, Usmistes, qui croient dur comme fer que “cette fois-ci, l'heure de la revanche a sonné, surtout que l'USMA ne perd jamais une finale quand elle élimine le MCO en 1/2", les discussions animées, les longs discours oratoires et les arguments les plus inventifs enrichissent déjà une assez fraternelle guerre des mots et de déclarations qui donnent encore plus de piquant à cette fête finale attendue. Et plus de couleur et d'animation à une ville qui ne vit que pour ses deux clubs et qui sera, mercredi, divisée en deux l'espace de quatre-vingt-dix, peut-être cent-vingt minutes d'un âpre combat footballistique, langagier, musical, amical et, surtout, familial. R. B. Nom Adresse email
