Fait sans doute inédit, la décision du groupe des “onze” d'engager une action en justice contre le chef du département de l'Intérieur constitue une première dans la pratique politique en Algérie. C'est pour la première fois, en effet, qu'une action en justice est intentée contre un responsable de l'Etat qui, de surcroît, est en fonction. S'il va sans dire que de nombreux observateurs ne se font pas trop d'illusions sur les suites qui seront réservées à cette plainte, il n'en demeure pas moins que l'objectif premier recherché visiblement par ses initiateurs est d'abord de mettre l'institution judicaire devant ses responsabilités. Au centre de nombreux scandales, la justice n'a jamais autant fait parler d'elle que depuis ces derniers mois. Et la manière pour le moins peu orthodoxe avec laquelle l'affaire du FLN a été “gérée”, une “gestion” dénoncée par des magistrats eux-mêmes, a révélé au grand jour autant ses dysfonctionnements que son instrumentalisation. Et si aujourd'hui le groupe des “onze” a décidé de porter “l'affaire Zerhouni” devant les tribunaux, c'est aussi parce qu'il dispose de nombreux arguments pour le faire. Le premier, et non des moindres, est la dernière circulaire envoyée à l'administration et qui doit régir les conditions de collecte des signatures. Autant les candidats que les juristes ont relevé à l'unanimité qu'il s'agit là d'un cas d'espèce dans la violation des lois de la République. Dans sa lettre adressée, samedi au ministre de l'Intérieur, le président du RCD avait établi la contradiction entre ladite circulaire et ce que stipulent la Constitution et la loi électorale. “Sur le plan de l'orthodoxie juridique et eu égard au principe de la hiérarchie des normes, les conditions relatives à l'objet relèvent du seul domaine du décret exécutif et non pas de la note ministérielle, comme le stipulent clairement la Constitution (article 125 alinéa 2) et la loi électorale (article 159 alinéa 5). De plus, avait-il noté, le décret 98435 du 30 décembre1998 définissant les formalités de cette opération est clair et n'autorise pas l'introduction d'autres normes”. Considérée à juste titre comme une atteinte au libre exercice des citoyens de leurs droits civiques constitutionnels, cette circulaire couplée à d'autres cas de violation se révélera à la justice comme un lourd dossier dont elle aura la lourde responsabilité de traiter. Le fera-t-elle à temps et en toute équité ? Pas si sûr. S'il apparaît, d'ores et déjà, et l'on peut l'affirmer sans risque de se tromper, qu'elle va chercher à gagner du temps, il n'en demeure pas moins que, plus que jamais, elle est au pied du mur. Il y va de sa crédibilité. K. K.