Dans de nombreux centres urbains et les marchés hebdomadaires de la wilaya de Tizi Ouzou, comme par exemple la daïra de Draâ El-Mizan, le métier d'horloger tend à disparaître. Pour toute cette région qui regroupe plusieurs communes, il n'en reste qu'un. Cet horloger ne veut ni quitter sa petite pince ni mettre sous le paillasson cette minutieuse potence. Il s'agit de Ayache, le dernier de cette lignée d'horlogers. En dépit de son âge avancé, il arrive à l'heure à son poste de travail (profession libérale). C'est devant une cafétéria de la place du marché de Drâa El-Mizan qu'il continue à réparer les quelques montres qui arrivent de temps en temps entre les mains. Il a troqué la boutique qu'il occupait depuis le début des années soixante contre un petit comptoir tout en verre, par manque de clients. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse chaud, notre horloger est là pour “ausculter", à la manière d'un médecin, ces quelques montres et ces réveils datant d'une époque lointaine qui trônent sur son pupitre. “Ce n'est plus comme avant. Maintenant, comme vous le voyez, il n'y a presque plus de clients. Ce sont des montres que j'avais reçues depuis des mois, mais par manque de pièces, je n'arrive pas à les réparer. On ne trouve plus de pièces de rechange", nous répond-il d'une voix traînarde. Notre horloger ne tarde pas à nous faire part de son histoire avec ce métier. “J'ai commencé en 1959 comme apprenti chez M. Tellache, que Dieu ait son âme. Il m'a tout appris. On l'appelait Monsieur Oméga car il préférait cette marque aux autres", poursuit-il. Interrogé s'il avait fait une formation, il nous répondit : “Bien sûr, j'ai fait le stage d'horloger à Bir Mourad Raïs chez les Pères blancs. C'était d'ailleurs le seul centre où on donnait cette formation." Cet horloger nous montre ensuite les outils qu'il utilise dans son métier de tous les jours. “Voici une pince, voilà la potence, et la loupe qui permet d'agrandir les petites pièces et c'est tout. Mais, c'est surtout la patience qui compte. Pour régler un balancier, il ne faut pas se presser. C'est très minutieux. Dans l'horlogerie, ce sont l'exactitude et la précision qui prévalent. Si quelqu'un est nerveux de nature, il n'a pas à faire ses premiers pas dans ce métier", poursuit-il. M. Ayache se rappelle tout de suite du temps quand des dizaines de marques de montres arrivaient sur son comptoir. “J'ai eu affaire à des Oméga, des Tissot, des Swatch et des Rolex. A chacune, sa mécanique. Mais, avec un peu de temps et de patience, j'arrivais à remettre en marche le balancier ou les axes. Après toute réparation, je gardais la montre ou le réveil en “observation", j'écoutais le tic-tac et je regardais surtout les aiguilles qui tournaient. C'était vraiment un temps", se souvient notre interlocuteur en nous décrivant la joie des clients qui venaient récupérer leurs appareils. Ce dernier regrette que cette profession ne trouve plus de relève. “L'horlogerie est envahie par l'électronique. Et nous les anciens, nous ne sommes pas formés pour cette nouvelle technologie. Il faudrait peut-être penser à ouvrir des sections d'apprentis dans cette filière. Pour moi, je continuerai à exercer ce noble métier jusqu'à mon dernier souffle. C'est une longue histoire entre moi et la montre", dit-il en ajoutant que dans les pays comme la Suisse, pays renommé pour ses gammes de montres, le métier de l'horlogerie renaît. “C'est le retour à la montre mécanique. Les plus belles montres ne sont pas électroniques. Aujourd'hui, dans ces pays, les montres mécaniques sont mieux cotées. Ce sont les plus beaux joyaux que portent aussi bien les hommes que les femmes de la haute société", a conclu M. Ayache sur un ton de regret. Il ne veut pas laisser partir cet acquis d'un demi-siècle car il veut le transmettre à de jeunes apprentis. O. G Nom Adresse email