La cause serait due aux conditions intolérables de détention. Hier, aux environs de 3 h du matin, un incendie s'est déclaré dans une salle de la maison d'arrêt de Tébessa, la fameuse salle n°3, objet de multiples problèmes et où étaient entassés, dans une affreuse promiscuité, pas moins de 180 détenus. Une fumée épaisse a envahi les couloirs et les coursives de la prison, jetant l'effroi et la panique parmi les détenus des autres salles qui se sont rués vers les portes dans une indescriptible confusion, selon les témoignages des gardiens. La catastrophe récente de la prison de Chelghoum-Laïd est encore dans tous les esprits. Prise de court par l'incident, semble-t-il spontané, d'autant plus qu'à une heure aussi indue — il n'a pas été aisé de joindre les autorités locales et les services de sécurité —, l'administration pénitentiaire a, semble-t-il, pu contrôler la situation sans trop de dégâts. Mais celle-ci a failli dégénérer lorsqu'un groupe de détenus aurait tenté de provoquer une mutinerie. Une bataille rangée a failli avoir lieu entre certains détenus. L'arrivée en force d'importants renforts de police et de gendarmerie a permis d'éviter le pire. 26 prisonniers souffrant de brûlures ou intoxiqués par l'inhalation des fumées ont été évacués vers les services de la clinique Alia-Salah. Une salle isolée leur a été réservée. Selon la liste affichée. Un commentaire laconique du médecin-chef précise que l'état des blessés n'est pas jugé sérieux et qu'aucun décès n'est à déplorer. Les autorités locales se sont refusées à tout commentaire. Le ministre délégué auprès du ministre de la Justice chargé de la Réforme des établissements pénitentiaires, arrivé sur les lieux, n'a rendu public aucun communiqué à l'heure où nous rédigeons ces lignes. Mais selon les parents de détenus qui ont été autorisés à rendre visite aux détenus hospitalisés, la cause de cet incident serait due aux conditions intolérables de détention. Le prétexte de ce qui aurait pu provoquer une mutinerie serait dû à l'intransigeance de l'administration pénitentiaire qui aurait refusé l'accès du “panier” du f'tour à certains détenus. L'un d'eux, exaspéré, aurait mis le feu à sa paillasse, imité en cela par d'autres détenus, dans d'autres salles, qui auraient incendié divers objets inflammables, des literies notamment. Une autre version, selon des sources pénitentiaires anonymes, fait état du mécontentement croissant des détenus et de certaines revendications qu'ils auraient fait parvenir au directeur de la maison d'arrêt. Des gradés parmi le personnel de détention auraient tenté de sévir contre les “meneurs”, ce qui aurait eu pour conséquence de mettre le feu aux... paillasses. Tôt dans la matinée, alertés par une rumeur qui s'est propagée comme une traînée de poudre et qui faisait état d'une grave mutinerie, des parents de détenus se sont massés par centaines autour de la maison d'arrêt. Certains parlaient même d'en découdre avec les responsables concernés et profitaient de la présence de la presse pour dénoncer les conditions inhumaines de détention. Cette prison, dont la capacité maximale est d'environ 400 détenus, en contient près du double. De nombreux prévenus s'y entassent dans une incroyable promiscuité. L'hygiène et le suivi médical sont d'un autre âge. Les douches sont prises avec plusieurs mois d'intervalle. Les parasites y pullulent. La nourriture y est infecte. Les conditions de visite, dans un parloir de trois mètres de long, y sont exécrables. Les mauvais traitements y sont monnaie courante. Des règlements d'une extraordinaire absurdité viennent limiter l'accès de certains denrées alimentaires aux détenus, alors que le kif, les psychotropes et même l'alcool y entrent presque librement. L'incarcération de jeunes primaires et la prolongation souvent injustifiée, sous prétexte d'indépendance du juge d'instruction, de la détention préventive contribuent à accentuer le malaise qui règne dans cet établissement de rééducation et où les effets d'une monstrueuse promiscuité ne cessent de se faire sentir au sein de la population pénitentiaire. Il semble pourtant que le propre d'une prison soit de priver les détenus de leur liberté. De leur liberté seulement… D. B.