En consacrant en mars 2002, tamazight langue nationale, le président de la république croyait pouvoir résoudre la crise de Kabylie et venir à bout du mouvement de protestation populaire. Or, non seulement, il avait fait les choses à moitié, mais a pactisé avec des négociateurs sans aucune légitimité. En effet, alors que les initiateurs originaux de la plate-forme de revendications d'El-Kseur faisaient l'objet d'une chasse policière, une délégation de rechange, concoctée par les autorités allait “discuter” avec le chef du gouvernement de l'époque, Ali Benfis, des modalités de sa mise en œuvre. Ces pourparlers de façade donneront l'illusion d'une victoire arrachée par la force. De concessions, il s'agissait en fait de demi-mesures prises par Bouteflika. Lors d'une grande messe organisée au Palais des nations, en date du 12 mars 2002, il avait annoncé, entre autres décisions, la constitutionnalisation de tamazight. “Reconnaître constitutionnellement tamazight comme langue nationale n'est que le parachèvement d'un processus consacré, et dans les faits, et dans la pratique institutionnelle. Qui plus est, le préambule de la Constitution actuelle l'intègre sans ambages comme composante de l'identité nationale au même titre que l'arabité et l'islamité”, avait soutenu le chef de l'Etat dans un discours prononcé devant les “délégués taïwan”, le gouvernement au complet ainsi que des représentants de la classe politique. Présentant cet acquis presque comme une faveur, Bouteflika avait prétexté un probable rejet du peuple en cas de référendum. Aussi, s'était-il évertué ce jour-là à paraître comme le fédérateur en usant de ses pleins pouvoirs. Un mois plus tard, la mesure est codifiée et votée par les deux Chambres du Parlement. Pour autant, rien n'a changé en Kabylie. Les archs refusaient d'en découdre et continuaient à réclamer la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur, dont l'officialisation de tamazight. Leur détermination était d'autant plus justifiée que le même président avait, au préalable, manifesté dédain et indifférence cruelle à la cause linguistique. À sa manière, il avait ranimé les rancœurs et provoqué l'explosion. À l'origine des évènements sanglants du printemps noir, une phrase assassine qu'il avait prononcée, au cours de son déplacement en Kabylie, pour les besoins de la campagne référendaire sur la concorde civile. “Tamazight ne sera jamais langue nationale”, avait-il juré, au cours d'un meeting auquel étaient conviés les notables ainsi que des personnalités politiques et de la société civile de la région. Alors que les premiers foyers de révolte s'allumaient un peu partout dans les différentes localités de Tizi Ouzou, Béjaïa…, le président a mis de l'huile sur le feu en sermonnant les manifestants : “Quel intérêt personnel, clanique, partisan, tribal et national y a-t-il à détruire sa propre demeure ? Mon propos pourrait offusquer les jeunes en colère ? Qu'ils me considèrent comme un frère aîné !”, avait-il répliqué à partir d'une ville du Sud où il était en visite. Contraint finalement de composer avec les archs, le pouvoir se retrouve en butte avec la question de tamazight. S. L. MOUVEMENT CITOYEN La justice convoque Mazouzi Une semaine après la signature du protocole d'accord portant prise en charge effective des incidences posées par les archs, comme condition à l'entame de tout dialogue, les poursuites judiciaires qui devaient être levées dans ce cadre sur les délégués du mouvement citoyen sont encore une fois relancées à l'encontre de certains délégués. C'est ainsi que Mustapha Mazouzi, délégué de la commune de Tizi Ouzou, vient d'être convoqué pour comparaître samedi prochain devant le juge du tribunal de cette même ville. Ce délégué qui a été déjà condamné le 17 février 2003 à deux mois de prison ferme avec 2 000 dinars d'amende est poursuivi cette fois encore pour “destruction de bien d'autrui”. Une affaire qui remonte, selon lui, aux élections locales d'octobre 2002. S. LESLOUS