Alors que jusqu'au mois dernier, Riyad et Doha étaient main dans la main dans la crise syrienne, voilà qu'aujourd'hui ils affichent ouvertement des dissemblances. Le roi Abdallah a pris des mesures pour dissuader le départ d'islamistes saoudiens en Syrie pour combattre au sein de groupes djihadistes. Cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani, lui, en rajoute une couche à la crise qui déborde de ses frontières. L'émir du Qatar a vivement critiqué l'inaction des grandes puissances dans le conflit syrien. L'appel s'adresse évidemment au président américain Barak Obama qui, contrairement aux “amis de la Syrie" menés par le Qatar et la France, cherche à obtenir un accord avec son homologue russe, Vladimir Poutine, pour imposer une issue diplomatique à la crise syrienne. Washington et Moscou ont, par ailleurs, remis en scelle le médiateur algérien Lakhdar Brahimi que Hamad ben Khalifa Al-Thani a voulu mettre de côté. Les deux pays phares du Golfe dévoilent leurs subites divergences au moment où se poursuivent les tractations pour la tenue d'une conférence internationale en vue d'une solution politique en Syrie. Echaudée par l'expérience et les retombées de l'Afghanistan, dont les “vétérans" ont semé la terreur dans le royaume saoudien entre 2003 et 2006, à leur retour après avoir combattu avec les talibans, Abdallah a frappé sur la table exigeant de son gouvernement d'endiguer le flux de jeunes djihadistes rejoignant le combat en Syrie. Des milliers de Saoudiens combattraient auprès des rebelles syriens dans la nouvelle “terre de djihad". Sur les réseaux sociaux, les annonces concernant des Saoudiens tombés en “martyrs" se succèdent, en effet. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a même indiqué que les hommes qui apparaissent de plus en plus dans les vidéos en train d'exécuter des partisans du régime syrien ou de commettre des actes de barbarie sont saoudiens et membres du Front El-Nosra, la franchise d'Al-Qaïda en Syrie. Avare en déclarations, Abdallah, dont la succession est à l'ordre du jour pour raison de santé, a ainsi mis en garde “contre ceux qui trompent nos enfants, dont certains ont été tués et d'autres emprisonnés". Le grand mufti, plus haute autorité religieuse du royaume, est également monté au créneau le mois dernier contre “le djihad dans les pays sinistrés", sans citer nommément la Syrie. En juin 2012, le haut comité des ulémas présidé par ce mufti avait déjà publié une fatwa interdisant le djihad en Syrie sans l'autorisation des autorités. Reste à mesurer ces nouveaux appels et mises en garde. Des incantations et avertissements similaires n'avaient déjà pas dissuadé en 2003 des Saoudiens de partir en Irak combattre les troupes américaines. Aujourd'hui, la problématique est la même sur la question syrienne : le pouvoir et les autorités religieuses décourageront-ils les candidats au djihad ? D'autant que la mobilisation pour le djihad dans les mosquées et sur les réseaux sociaux met surtout l'accent sur la défense des sunnites face au régime du président Bachar Al-Assad, issu de la minorité alaouite, émanation du chiisme. Cela dit, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, le général Mansour Al-Turki, a assuré que les candidats au djihad seraient arrêtés, comme ceux de retour de Syrie. Un autre responsable du ministère, le général Saïd Al-Bichi, a, lui, assuré que ses services vont exercer des pressions sur les parents de candidats au djihad et mettre de l'ordre dans les donations en faveur du soulèvement syrien. D. B. Nom Adresse email