Plusieurs centaines, voire quelque milliers de Saoudiens combattraient auprès des rebelles syriens dans la nouvelle «terre de jihad», selon des sources diplomatiques. Echaudée par l'expérience de l'Afghanistan, dont les vétérans ont semé la terreur dans le Royaume à leur retour après avoir combattu avec les taliban, l'Arabie Saoudite tente d'endiguer le flux de jeunes jihadistes rejoignant le combat en Syrie. Sur les réseaux sociaux, les annonces concernant des Saoudiens tombés en «martyrs» se succèdent. Ainsi, un site a fait part en mai de la mort d'un ingénieur de Taif (ouest), Rached Al Cheloui, tué en combattant avec l'Armée syrienne libre. En mars, des sites ont rapporté la mort d'Ahmad ben Mufdi Al Saqri, un vétéran d'Afghanistan tué à Alep. Jeudi, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh, basé en Grande-Bretagne) a indiqué que l'homme apparu dans une vidéo récemment mise en ligne en train d'exécuter des partisans du régime syrien était un Saoudien membre du Front Al-Nosra, connu sous le nom de Qaswara Al-Jazraoui. Ce phénomène a poussé le roi Abdallah, avare en déclarations, à mettre en garde récemment «contre ceux qui trompent nos enfants, dont certains ont été tués et d'autres emprisonnés», sans citer nommément la Syrie. «Malheureusement, il y a des personnes qui trompent nos jeunes et ils devraient être punis par la prison et plus encore», a-t-il dit. Le mufti, plus haute autorité religieuse du royaume, est également monté au créneau le mois dernier contre «le jihad dans les pays sinistrés (...) surtout dans une situation chaotique avec une prolifération d'organisations armées». «Ceci n'est pas du jihad car le jihad doit avoir l'assentiment des gouvernants», a-t-il souligné. En juin 2012, le Haut comité des ulémas présidé par le mufti avait déjà publié une fatwa (édit religieux) interdisant le jihad en Syrie sans l'autorisation des autorités. Mais des appels similaires des autorités n'avaient déjà pas dissuadé en 2003 des Saoudiens de partir en Irak combattre les troupes américaines. Selon un haut responsable irakien qui a requis l'anonymat, «des centaines de Saoudiens ont combattu en Irak» après la chute de Saddam Hussein. «Aujourd'hui, la problématique est la même sur la question syrienne: le pouvoir et les autorités religieuses découragent les candidats au jihad», souligne Stéphane Lacroix, chercheur à Sciences Po. Car le pouvoir saoudien paye encore le prix du départ de milliers de jeunes en Afghanistan dans les années 80, dont un certain Oussama ben Laden. «Le pouvoir saoudien a officiellement, à partir du milieu des années 1980, soutenu le départ pour l'Afghanistan des jeunes Saoudiens désireux de combattre les Soviétiques», souligne M. Lacroix, spécialiste de l'islamisme saoudien. «Un certain nombre de ces +Arabes afghans+ ont ensuite été impliqués dans des actes de violence en Arabie Saoudite, notamment au sein d'Al Qaîda», qui a revendiqué une série d'attentats sanglants dans le royaume entre 2003 et 2006, ajoute-t-il. «Je ne pense pas que le nombre de Saoudiens combattant en Syrie soit important», a affirmé le mois dernier le porte-parole du ministère de l'Intérieur, le général Mansour Al-Turki. Mais il a assuré qu'ils seraient arrêtés et interrogés à leur retour. Un autre responsable du ministère, le général Saïd al-Bichi, a assuré que ses services tentaient de dissuader les candidats au jihad en Syrie. «Parfois, des parents nous appellent pour nous dire que leurs fils veulent aller en Syrie et nous leur conseillons de ne pas les laisser» a-t-il ajouté. Les autorités du riche pays pétrolier tentent également de contrôler les donations en faveur du soulèvement syrien. Le mois dernier, le ministère de l'Intérieur a mis en garde contre les contributions «aux parties non autorisées officiellement». «En réalité, le pouvoir n'a pas vraiment de contrôle sur les réseaux de financement privés, et c'est par eux que transite une partie des fonds qui bénéficient aux groupes salafistes en Syrie» souligne Stéphane Lacroix.