Des informations contradictoires, portant sur les productions algériennes d'hydrocarbures et les prix internationaux ont circulé ces derniers temps dans différents médias étrangers et nationaux. Elles ont porté aussi bien sur les incertitudes en matière de quantités que sur les amplitudes anticipées de variations de prix. Ces informations portent ainsi sur les deux variables qui impactent le niveau des recettes du pays. Il y a donc de quoi nourrir les inquiétudes de l'opinion publique algérienne et même celles du ministre des Finances qui évoque, dans ses récentes sorties, la nécessité d'une politique de prudence dans la dépense publique, voire d'une politique de rigueur. D'où la nécessité de faire, à chaud, le point sur ces questions sensibles. Pour ma part j'essayerai de les contextualiser avant d'en évaluer la pertinence et les impacts potentiels. Il faut savoir que les données sur les réserves et les productions ne sont pas des données comme les autres. Ces dernières participent à la consolidation de l'image stratégique des compagnies d'hydrocarbures, qu'elles soient nationales ou multinationales et partant à la perception qu'en ont les marchés. D'où la difficulté, partagée, ici et ailleurs, d'obtenir toute la transparence et la précision nécessaires, d'autant que les estimations ne peuvent avoir la précision mathématique qu'on peut leur conférer et sont même susceptibles de varier sensiblement dans un temps limité. Quelquefois, ces types d'informations sont distillées pour déstabiliser des concurrents ou influencer les marchés financiers et ceux des hydrocarbures. Ceci dit la communication institutionnelle des différentes compagnies d'hydrocarbures ne peut s'affranchir d'un minimum de transparence. Pour l'Algérie, la vision véhiculée, ici et ailleurs, d'une chute importante et programmée de la production s'appuie sur un fait avéré. Celui du vieillissement ou du déclin relatif des grands gisements d'huile (Hassi Messaoud) et de gaz (Hassi R'mel) que vient de nous rappeler d'ailleurs la semaine dernière le ministre en charge de l'énergie lui-même. Nonobstant le développement des énergies renouvelables, cette situation implique, dans tous les cas, des efforts à consentir dans trois directions. L'intensification de l'exploration, l'amélioration des taux de récupération assistée mais aussi inévitablement la mise en valeur, à terme et en toute sécurité, des hydrocarbures non conventionnels. J'ai failli oublier la quatrième mesure: la rationalisation de notre modèle de consommation énergétique pour limiter les gaspillages face à une explosion de la demande. Deuxième fait induit préoccupant : la baisse de la production d'hydrocarbures en 2012 qui avait été annoncée le 26 décembre 2012 par le P-DG de la Sonatrach. Malheureusement, les dernières statistiques publiées par les Douanes confirment ce trend à la baisse. Elles indiquent un recul en valeur des exportations d'hydrocarbures qui ne sont que de 25,04 milliards de dollars pour les quatre premiers mois de 2013 alors qu'elles étaient de 26,89 milliards de dollars pour la même période de 2012. Malgré cela le ministre de l'Energie et des Mines reste optimiste puisqu'il a prévu, lors de sa récente visite de travail à Tissemsilt, une hausse de la production d'hydrocarbures en 2013. Dans cette hypothèse, il ne reste plus alors que 8 mois pour que la production nationale d'hydrocarbures rattrape les déficits des quatre premiers mois et améliore les résultats de 2012. Il faut, pour ce faire, mettre rapidement en exploitation les gisements déjà découverts et les installations de liquéfaction du gaz reconstruites et rénovées respectivement à Skikda et Arzew. C'est un pari difficile ; on verra en 2014 s'il a été tenu. Mais il n'y a pas que ces baisses des quantités qui sont inquiétantes ; il y a aussi les pressions multiformes pour la baisse des prix du gaz naturel mais aussi ceux du pétrole brut. Premier dommage collatéral constaté: le report de la réalisation du gazoduc de 8 milliards de m3 (GALSI) vers la Sardaigne du fait d'un désaccord à la fois sur la nature à long terme des contrats et sur les prix entre Sonatrach d'une part et ses clients italiens Edison et Enel. Abdelhamid Zerguine, P-DG de Sonatrach a bien résumé les termes des enjeux en disant que “l'Algérie ne pouvait s'y engager que si nous avions des contrats fermes, les quantités de gaz sont là, et que l'on cesse d'avoir une pression continuelle sur les prix à long terme". Les mêmes types de pressions sont exercés par d'autres clients européens à l'occasion notamment du renouvellement des contrats à long terme d'exportation de GNL et de gaz naturel. Ces exigences des parties européennes prennent appui sur les prix relativement plus faibles du marché spot du fait d'une bulle gazière européenne qui entame d'ailleurs son déclin. Elles vont jusqu' à porter, dans certains cas, sur la désindexation des prix du gaz de ceux du pétrole. Deuxième signal fort sur la baisse des prix du pétrole brut cette fois : il provient de l'Agence internationale de l'énergie(AIE) qui anticipe une forte baisse des prix du pétrole brut dès 2014, compte tenu d'une prévision de mise sur le marché américain de fortes quantités de pétrole domestique non conventionnel. Que faut-il en penser? Il s'agit, à l'évidence, d'une information de nature à faire pression sur les marchés pour accompagner les prix du pétrole vers une baisse structurelle et durable. C'est dans la logique d'une institution internationale qui défend les intérêts des grands pays consommateurs et qui promeut aussi la désindexation des prix du gaz naturel de celui du pétrole brut. Ceci pour le contexte. Pour le fond, tous les spécialistes conviennent, qu'aux Etats-Unis, les coûts d'accès au pétrole non conventionnel sont élevés et que les quantités accessibles sont aléatoires et variables y compris pour les gaz de schistes. Alors une autosuffisance des Etats-Unis en pétrole brut reste pour ma part encore incertaine pour les raisons que j'ai indiquées. Donc la prévision de l'AIE d'une chute prochaine, brutale et durable, des cours de pétrole brut est discutable d'autant qu'elle éloignerait, sine die, la faisabilité économique des énergies renouvelables. Mais que voulez-vous, quand il s'agit d'intérêts, on n'en est pas à une contradiction près! Ainsi va le monde. M. M. Nom Adresse email