L'objet de cette contribution est la synthèse de mon intervention au Colloque international organisé par la revue internationale Energie Passages à l'Assemblée nationale française le 31 mai 2013 portant sur le thème "L'Algérie face à la concurrence et à la transition énergétique mondiale". Le colloque s'est déroulé en présence de nombreux responsables de firmes étrangères, d'experts de renom, de cadres algériens et du directeur général des hydrocarbures du ministère algérien de l'Energie. La transition pouvant être définie comme le passage d'une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante et peu chère, à une civilisation où l'énergie est renouvelable, rare, chère et moins polluante ayant pour objectif le remplacement à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire, biomasse). La transition énergétique renvoie à d'autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale, autant que la fiscalité énergétique influant sur le choix des allocations des ressources et ayant un impact sur la répartition du revenu par catégories socioprofessionnelles). Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant, c'est le socle social. Cela pose la problématique d'un nouveau modèle de croissance : tous les secteurs économiques, tous les ménages sont concernés : transport, BTPH ; industries, agriculture. Les choix techniques d'aujourd'hui engagent la société sur le long terme. Il ne faut pas être pessimiste devant faire confiance au génie humain. Le passage de l'ère du charbon à l'ère des hydrocarbures ce n'est pas parce qu'il n'y avait plus de charbon, et demain d'autres sources d'énergie. Cela est dû aux nouveaux procédés technologiques qui, produits à grande échelle, ont permis de réduire les coûts, ce que les économistes appellent les économies d'échelle influant d'ailleurs sur la recomposition du pouvoir économique mondial et sur les gouvernances locales. Le pic pourrait, selon l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles, se situer vers 2015-2025 pour le pétrole, 2025-2045 pour le gaz et 2100 pour le charbon. Le développement actuel de l'extraction d'énergies fossiles dites "non conventionnelles", telles que les gaz de schiste ou le pétrole offshore profond, peuvent repousser le pic, sans pour autant modifier le caractère épuisable de ces ressources. D'une manière générale, l'énergie est au cœur de la souveraineté des Etats et de leurs politiques de sécurité allant parfois à provoquer des guerres. Les avancées techniques (GNL-gaz naturel liquéfié, gaz de schiste, amélioration des performances d'exploitation de gisements d'hydrocarbures) couplées aux dynamiques économiques modifient les rapports de force à l'échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l'intérieur des Etats comme à l'échelle des espaces régionaux. Pour l'Algérie, le constat en 2013 est que 96% de l'électricité est produite en Algérie à partir du gaz naturel, 3% à partir du diesel (pour les régions isolées du Sud), 1% à partir de l'eau et que face aux contraintes analysées précédemment, il y a une prise de conscience qui fait que le gouvernement axe sa stratégie pour une transition énergétique maîtrisable autour de 5 axes privilégiant un bouquet énergétique, ayant les moyens de son financement, mais privilégiant le transfert de savoir-faire managérial et technologique, où un partenariat gagnant-gagnant, notamment avec la France, pourrait se réaliser dans le cadre du codéveloppement. a- Le premier axe est d'améliorer l'efficacité énergétique par une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur, environ un dixième du prix international occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales. En Algérie, il existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif ; idem pour les carburants et l'eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe, montrant le dépérissement du tissu industriel, soit moins de 5% du produit intérieur brut. À cet effet, une réflexion est engagée par le gouvernement algérien pour la création d'une Chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l'aval du Parlement pour plus de transparence, chambre devant réaliser un système de péréquation, segmentant les activités afin d'encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale. Le second axe, l'Algérie a décidé d'investir massivement à l'amont pour de nouvelles découvertes. L'Algérie sera le troisième plus gros investisseur dans le secteur de l'énergie de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) au cours des 5 prochaines années avec un montant de 71 milliards de dollars de dépenses prévues dans le secteur de l'énergie sur la période 2013-2017 devant se classer en troisième position après l'Arabie Saoudite (165 milliards de dollars d'investissements prévus) et les Emirats arabes unis (107 milliards de dollars), selon Bloomberg. Le ministère de l'Energie entend développer également la filière de la pétrochimie, notamment avec la rénovation du complexe de Skikda. Ce projet sera mené en partenariat avec une entreprise étrangère, pour produire des matières plastiques, du polyéthylène, du PVC et d'autres produits chimiques nécessaires à l'industrie. L'investissement coûtera 15 milliards de dollars. Le groupe Sonatrach négocie également un projet de production de 900 000 tonnes d'aluminium qui nécessite un investissement de 6 milliards de dollars. Pour le raffinage de pétrole, les 6 nouvelles raffineries retenues dans le plan d'action du gouvernement vont faire doubler les capacités de raffinage du pays et couvriront ses besoins en carburants d'ici à 2040, encore que se pose le pic pétrolier pour l'Algérie. La construction de ces usines va démarrer cette année avec l'ambition de les achever d'ici à 2018. Pour le GNL, Sonatrach va mettre en service fin 2013 deux unités à Arzew et Skikda d'une capacité de 4,5 millions de tonnes/an chacune, la capacité de liquéfaction de gaz naturel de l'Algérie devant passer à 35 milliards de mètres cubes par an avec la mise en service de ces deux projets. Quelle sera leur rentabilité ? (...) A. M. (*) Professeur des Universités, Expert International en management stratégique Nom Adresse email