"L'équipe nationale de football est la seule chose qui marche", écrivait récemment un chroniqueur virtuel. Rien de moins sûr, puisque "l'exploit" auquel ce verdict se réfère fait suite à une longue période de disette en matière de succès footballistiques. Devant l'unanime exaltation de la foule de tifosis qu'est devenu notre peuple, l'entraîneur national lui-même est intervenu pour tempérer nos ardeurs. Même s'il a dû avoir le temps d'apprécier l'infinie générosité de notre pouvoir et de ses sponsors satellites quand il s'agit de financer les résultats de "leur" sélection nationale. Halilhodzic sait qu'on ne peut "acheter" les résultats d'une équipe sélectionnée sur la base de rien, en termes de système sportif national. C'est presque avec une certaine stupéfaction, qui frise le malaise, que le commun des Algériens a appris qu'aux Jeux méditerranéens de Mersin, de jeunes sportifs ont réalisé l'abattage de cinq médailles d'or en une soirée. Mais aucune presse ne vous en dira plus ! Si en football, chaque joueur est une star, en boxe, c'est de médailles qu'il s'agit, pas de boxeurs. À peine une liste nominative affublée du poids représentant la catégorie ; ces héros du ring d'un soir n'ont pas d'histoire ni de clubs... Ici, on chante les prouesses de... l'équipe nationale de football ; là, on applaudit... la boxe algérienne, une désignation désincarnée qui fait plus de place au mérite d'une discipline qu'à ses acteurs. Personne ne vous rappellera les titres remportés en championnat d'Afrique et championnat du... monde. Personne ne vous précisera que l'un des médaillés, Abdelhafid Benchabla, a été champion du monde WBS 2012. Ces sportifs à la marge sont juste faits pour la séance photo avec le ministre, le Premier ministre ou le Président. Le fond du problème est que, si l'on excepte le Mouloudia d'Alger et quelques corps constitués, comme l'armée et la Protection civile, les amateurs de boxe végètent dans des clubs de petites communes comme El-Karma, lieudit des abords de Boumerdès (dont est originaire le médaillé Flissi) ou comme Zemmouri, dans la même wilaya (d'où est originaire Benchabla et d'anciens champions de Méditerranée ou d'Afrique, comme Fellah). La boxe, et même l'athlétisme n'ont droit de cité que le temps du scintillement de leurs médailles ! Après un furtif applaudissement d'un court week-end, la presse est revenue dès hier sur son amour de football, pêchant le moindre transfert en Laponie d'un joueur dont l'arrière-grand-mère serait d'origine algérienne. Une couverture parfaitement conforme à la politique publique en matière de sports. Ceux-ci n'ont pas pour finalité la jeunesse, sa santé et son éducation ; ils ont pour finalité leur usage politique. Les jeunes sont priés d'aller en foule applaudir l'exploit de leurs élites sportives et, à travers elles, les "réalisations" de leurs dirigeants. Et qui mieux que le football peut drainer cette foule juvénile et laisser filmer sa jubilation en masse ? Le football. Pourquoi le pouvoir irait-il alors investir dans la pratique pugilistique d'un bourg tel que Zemmouri, par exemple, fut-il un vrai "Cuba de la boxe algérienne", comme on commence à l'appeler ? "La boxe ou l'athlétisme, combien de divisions ?", comme disait l'autre. Ce traitement discriminatoire est le résultat naturel de la conception officielle du sport : le sport-propagande. M. H. [email protected] Nom Adresse email