L'opposition à Mohamed El-Baradeï illustre le début d'une nouvelle bataille politique pour le partage de l'Egypte de l'après-Morsi. Le président islamiste Mohamed Morsi a beau avoir été évincé du pouvoir égyptien le 3 juillet dernier, ses partisans et adversaires continuent de se mobiliser. L'armée, qui a engagé un nouveau processus de transition, peine à le mettre en œuvre ; elle est en outre accusée de tirs à balles réelles sur des manifestants pro-Morsi. Pour le moins, la situation est non seulement explosive mais incertaine et confuse. Après avoir évoqué en début de semaine la nomination de Mohamed El-Baradeï comme Premier ministre pour diriger un gouvernement de transition en Egypte, les nouvelles autorités égyptiennes semblent revenues sur ce choix. Dimanche soir, le porte-parole de la présidence intérimaire a annoncé que Ziad Bahaâ Eldin, un technocrate qui a dirigé plusieurs institutions économiques égyptiennes, sera "très probablement" nommé Chef du gouvernement. Quinquagénaire, Ziad Bahaâ Eldin est un avocat d'affaires qui a dirigé des boîtes chargées des investissements étrangers avant d'entrer en politique après la chute de Hosni Moubarak début 2011 comme responsable d'une formation laïque, le Parti social démocrate égyptien. S'il est nommé, ce choix traduirait une volonté de l'armée de s'attaquer en priorité aux graves difficultés économiques du pays, en proie à une chute du tourisme, un effondrement des investissements étrangers et une chute de ses réserves de devises notamment. L'ancien ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) devrait, avec la même probabilité, prendre la vice-présidence. Le choix d'El-Baradeï s'est fortement heurté aux réserves du parti salafiste Al-Nour, partenaire islamiste de la coalition mise en place par l'armée et composée, principalement, de mouvements laïques. Le parti salafiste égyptien, rival politique des Frères musulmans avait apporté son soutien à la feuille de route présentée par l'armée pour conduire la transition politique. Il fait aujourd'hui partie des six entités représentées dans les discussions sur la formation du gouvernement intérimaire, aux côtés du chef d'état-major de l'armée, le général Abdel Fattah Al-Sissi, de Mohamed El-Baradeï, d'un représentant de Tamarrod, mais aussi de l'imam d'Al-Azhar et du pape des Coptes. Les responsables du parti Nour, s'ils n'ont pas cessé de dénoncer, ces derniers mois, l'incapacité de Morsi à diriger l'Egypte, ils n'ont pas caché leur désaccord avec l'armée face à l'arrestation de l'ex-président et de ses proches, ainsi que dans la fermeture de leurs chaînes télévisées. La candidature d'Al-Baradeï pour former et diriger le gouvernement de transition, censé également rechercher et promouvoir la réconciliation nationale, a donc braqué même les islamistes susceptibles de tourner le dos aux Frères musulmans, qu'ils soient ou non partisans de Morsi. Et comme il n'a pas été retenu, les manifestants anti-Morsi de la place Tahrir ont, eux aussi, déchanté. Déjà qu'ils l'avaient été à l'annonce du dispositif qui a remplacé le pouvoir de Mohamed Morsi et dans lequel figurent également les salafistes d'Al-Nour, connus pour leur radicalisme religieux. Cette alliance "contre-nature" n'a pas tardé à produire les premiers cafouillages politiques de l'après-Morsi, dans une Egypte au bord de la faillite. L'opposition à El-Baradeï illustre le début d'une nouvelle bataille politique pour le partage de l'Egypte de l'après-Morsi, qui pourrait s'aggraver au moment de la révision, prévue dans la feuille de route du général Sissi, du texte très controversé de la Constitution. D. B Nom Adresse email