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L'absence du Président empêche le fonctionnement normal des institutions de l'Etat
La Constitution malmenée
Publié dans Liberté le 03 - 09 - 2013

Devant la convalescence persistante du président de la République, les institutions sont en train de glisser dangereusement dans une phase de l'informel politique caractérisée par des actes qui jurent avec la Constitution.
L'ouverture, hier, de la session parlementaire, marquant symboliquement la rentrée, s'est avérée riche en non-dits qui donnent plus de relief au profond malaise politique provoqué par la longue maladie du président de la République. Tout se fait de telle sorte à accommoder le fonctionnement des institutions de l'Etat à... l'état de Bouteflika. Quitte à tordre le coup à la Constitution. Et les propos du Premier ministre, jouant un peu trop sur le registre de la boutade pour dédramatiser la situation, trahissent fortement ce malaise. Ainsi, à propos du Conseil des ministres, qui ne s'est pas réuni depuis le mois de décembre 2012, autant dire depuis Mathusalem, Sellal considère que sa tenue "n'est pas actuellement nécessaire et les choses marchent comme il se doit" (Sic). Il ajoutera plus loin qu'il est "en coordination quasi quotidienne" avec le président de la République. Certes, mais si le Conseil des ministres est à ce point inutile, pourquoi les rédacteurs de la Constitution l'avaient donc mis en place ? On comprend d'autant moins les propos du Premier ministre que dans un système hyperprésidentiel comme le nôtre, surtout après la dernière révision constitutionnelle de 2008, dans laquelle Abdelaziz Bouteflika s'était octroyé des prérogatives pharaoniques, le Conseil des ministres est la clé de voûte du système politique, le centre d'où vient l'impulsion initiale, selon l'article 77 de la Constitution. Combien de projets de loi se sont entassés sur le bureau du président de la République au cours de ces dix derniers mois, faute de la réunion de ce Conseil des ministres ? Entre autres, la loi sur l'audiovisuel, qui fait partie du package des réformes annoncées dans le fameux discours du 15 avril 2011. Encore que cette loi, au point où l'Algérie en est, n'est pas une urgence. Combien d'autres décisions politiques devant être officiellement actées sont toujours en attente ? À titre d'exemple, la validation des mouvements dans le corps des walis, le corps diplomatique, que les départements concernés avaient déjà finalisé de longue date. Sans parler de ces ambassadeurs en fin de mission qui attendent d'être reçus par le chef de l'état pour la visite protocolaire d'adieu. C'est dire combien le Conseil des ministres est indispensable pour le fonctionnement normal des institutions de la République. Mais le signe, par excellence, de ce blocage institutionnel, c'est cette fameuse loi de finances complémentaire 2013 qui n'a pas cessé d'alimenter toutes les chroniques depuis des mois. À juste titre, car les nouvelles dépenses non budgétisées dans la loi ordinaire 2013 doivent y être inscrites. Ces nouvelles dépenses, ce sont toutes ces enveloppes généreusement annoncées par le Premier ministre pendant ses visites d'inspection dans les wilayas. C'est probablement aussi d'autres rallonges budgétaires décidées en cours d'exercice. Cette loi de finances complémentaire qui devait être signée en priorité lors du Conseil des ministres que le président Bouteflika avait chargé Sellal de préparer, lorsqu'il l'avait reçu aux Invalides, ne le sera finalement pas. Et les députés qui devaient en débattre en priorité lors de cette session en sont désormais dispensés. Et pour cause, Karim Djoudi nous apprend qu'elle est tout simplement annulée ! Emballé, c'est pesé ! Et l'annonce, qui constitue pourtant une énorme énormité (vu que la LFC est devenue la règle et non l'exception), a l'air d'être passée comme une lettre à la poste dans un Parlement où le respect des lois de la République est le cadet des soucis des députés. Ce qui est encore plus incongru dans la déclaration de Djoudi, confirmée par Sellal, c'est le fait que la LFC sera tout simplement intégrée dans la loi de finances 2014 ! En fait, la LFC est déjà en cours d'exécution, mais comme elle n'a pas été signée par le Président, le gouvernement s'est trouvé dans l'obligation d'inventer un artifice pour habiller le couac contre de l'usage. En fait, à travers les déclarations du Premier ministre, des autres ministres, il y a une volonté à justifier l'informel politique dans lequel l'Algérie est prise à cause de la maladie du Président.
Un Président qui n'est visiblement pas encore en état de reprendre ses fonctions. Et toutes ces manœuvres à la petite semaine, ces ruses, destinées à donner à l'opinion du change sur sa maladie, ne font que la dévoiler. Un jeu malsain dont les conséquences pourraient s'avérer fatales pour le pays.
Omar OUALI
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