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Contribution des lecteurs de Liberté
Le printemps arabe...l'automne algérien
Publié dans Liberté le 27 - 09 - 2013

Partir c'est mourir un peu...et on ne meurt jamais vraiment que lorsqu'on nous oublis...et j'ai décidé d'oublier, d'enterrer les morts vivants qui habitent ma mémoire, car des épreuves de la vie il ne faut guère se rappeler des gens mais plutôt des expériences, les personnes comme moi, très nostalgiques, ne guérissent jamais du passé, et prennent avec elles partout où elles vont un bagage souvent lourd à porter, des images, des scènes, des parfums et des sensations, la mémoire est un piège et j'avais compris que l'enfer n'était pas les autres mais les souvenirs qu'ils nous laissaient et qu'on n'arrive pas à nous en débarrasser, un lourd fardeau qui nous accable et nous empêche d'avancer. L'oubli est-il mon remède ? Même ma mémoire me joue des tours, elle est l'alliée du Diable cette traitresse.
Je fais partie de la génération des années 90, la décennie noire comme on l'appelle, je me souviens des soirs où toute la famille se réunissait devant la télévision et que mon père nous sermonnait, dans notre insouciance d'enfants ont jouait moi et mes frères et sœurs pendant que « Chadli benjdid » lançait un discours, le silence alors régnait car on avait compris que quelque chose de sérieux était en train de se passer.
Je me souviens des manifestations, de mon balcon je voyais des gens barbus qui criaient dans les rues, des images me reviennent, un homme aux cheveux roux : abbassi madani, qui lançait lui aussi un discours, auquel je ne comprenais rien, jusqu'au jour où j'avais tout compris : je sortais de l'école, et devant chez moi il y'avait quelques travaux, l'un des ouvriers me demanda si je pouvais lui ramener une bouteille d'eau, j'ai couru à la maison, et je lui ai donné à boire, c'est là qu'un autre ouvrier, tout en sueur me demanda de lui en donner aussi , le premier en rigolant me lança : « ne lui en donne pas il fait partie du FIS » hors, moi je ne savais même pas ce que c'était, je ne voyait devant moi qu'un simple ouvrier qui avait soif...ce jour là j'avais compris que ce qui était en train de se passer n'est rien d'autre qu'un conflit entre frères...et me vint la vision d'Abel et de Caïn , l'un perdit la vie l'autre vécut avec la conscience comme carcan...un conflit entre frères qui nous mènera tous vers notre perdition.
Nous vécûmes des nuits de terreur, à force de voir les infos, les attentats à la bombe, les fausses alertes, la peur dans les tripes, nous l'avons tous et toutes expérimentée.
Je fais partie de ces jeunes, conscients ayant mûri avant l'âge, que personne ne pourra bluffer, en nous vendant une cause perdue d'avance : « celle du printemps arabe » durant le nôtre l'éclosion des bourgeons fut sanglante, et douloureuse, et les fruits furent maudits.
Me revient à l'esprit une autre histoire que m'avait contée mon défunt grand-père , ancien combattant de la guerre de libération, il s'était arrêté lui et ses confrères dans un village, et malgré la misère qui régnait ce temps là, une vieille femme leur offrit des morceaux de galettes, chacun avait droit à un seul morceau, mon grand père préféra garder le sien pour le lendemain car le voyage était long, à son réveil , sa galette avait disparu...l'un de ses compagnons le lui avait surement dérobée...mais que faire? Qui accuser? Il m'avait raconté avec tant d'émotion comment il avait pleuré, comme un enfant, il s'était effondré...mais il devait continuer son chemin, au lieu de se retourner contre son frère il partit plus déterminé que jamais, combattre le colon.
Je renie tout Caïn parmi nous, tout Judas, qui aspire au chaos, à la division et non mon Algérie, je renie tout voleur de « galette » avide, je suis enfant du peuple, fille d'hommes braves, et je refuse d'être dupée, il est vrai que je suis souvent rongée par le désespoir de voir les choses s'arranger, mais je tombe pour mieux me relever, je fais partie de cette classe moyenne à laquelle appartient la majorité des algériens, mais je refuse de faire comme la plupart de mes compatriotes, je ne veux pas aller voir ailleurs, c'est ici que je veux m'épanouir, je ne veux pas constituer une manne pour un autre pays, même si je sais que je serai valorisée, et que mes compétences seraient reconnues, en même temps j'ai peur que l'Algérie soit une bombe à retardement, les jeunes bouillonnent de colère, la seule chose qui les retiens est cette mémoire...encrées dans chacun de nous, nous sommes loin d'être dupes, ce n'est pas les concerts de telle ou telle star qui nous maintiennent occupés, mais plutôt notre conscience, le piège des souvenirs douloureux d'une décennie noire qui a dérobé notre enfance.
Les pluies diluviennes de Septembre viennent laver l'atmosphère poussiéreuse des villes du nord surpeuplées, sur-polluées, et viennent arroser nos terres fertiles pleines de promesses de générosité. Septembre vient comme une aubaine, laver nos âmes, et clarifier nos vues, notre union fera notre force, l'avenir de notre pays ne dépends que de nous, versons de la sueur au lieu de verser du sang, versons de la matière grise...ici et non ailleurs, dansons nos douleurs comme nos joies, célébrons nos deuils et vénérons le goût du sacrifice qui en résulte : dans chacun de nous il y' a un héros et notre automne à nous, est plus beau que n'importe quel printemps, pour ma part je ne cesserai jamais de combattre, avec ma plume, je dénoncerai les monstres qui naissent soit du sommeil des esprits, soit de leur fuite.
M.B
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