C'est en plein "deuxième dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement", tenu en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, qu'est survenu le drame —un autre — de Lampedusa. Il y était question du statut et de la situation des émigrés ou des immigrés, selon que l'on se situe du point du pays d'origine ou du pays d'accueil. Le discours est rodé : concertation et partage, droits... des communautés immigrées. L'immigration, comme objet de diplomatie, traduit la collusion mortelle entre dirigeants illégitimes du Sud et pouvoirs populistes du Nord. Depuis que les pays d'Asie ont amorcé un mouvement de croissance économique, l'Afrique fournit l'essentiel de la clientèle des filières d'immigration clandestine. Le "voyage" d'un candidat à l'immigration dure des mois, mais parfois des années, dans des conditions de dénuement, de précarité, d'insécurité telles que le moment d'embarcation pour la périlleuse traversée apparaît, pour le migrant, comme un moment de délivrance. Il n'y a rien de plus humain. Sauf qu'historiquement, ce réflexe de déplacement vers des contrées pas encore aussi verrouillées ne se heurtait pas encore au mur quasi infranchissable de Schengen. C'est lorsque les mouvements de population et de peuplement commencèrent à devenir l'affaire des Etats que des groupes humains étaient déplacés par la force d'Etats puissants à partir de territoire de peuples plus faibles (esclavage) ou à partir de leur propre territoire vers des espaces peuplés de nations plus vulnérables (l'histoire de la Conquista, du Far West ou celle des colonies), que l'écart de développement entre les sociétés humaines a commencé à se creuser. Et à force de siècles de développement et de sous-développement croisés, il a fini par atteindre le niveau abyssal qu'on lui connaît aujourd'hui. Depuis un demi-siècle, des dictatures, laissées là par les puissances occupantes comme autant de pièges contre le développement des populations anciennement colonisées, continuent l'œuvre d'appauvrissement en transférant les richesses locales vers leurs comptes dans les ex-métropoles. En Amérique latine et en Asie, les évolutions politiques vers plus de démocratie ont permis de mettre la plupart des peuples sur une orbite de progrès. Ce n'est pas encore le cas de l'Afrique. L'UA a-t-elle un jour rappelé à l'ordre le maître d'Asmara qui enferme ses opposants dans les containers, fait la guerre partout autour de lui avec l'argent du Qatar, y compris aux côtés des Shebab de Somalie, affame, terrorise sa population et pousse mille ressortissants par mois à l'exil ? Si on peut lire la manifestation d'humanité devant une tragédie humaine comme ce dernier naufrage, c'est dans les larmes de la maire de Lampedusa, Giusi Nicolini, dans le cri désespéré de Giovanni de Gaetano, un des sauveteurs, de la révolte de Pietro Bartolo, un médecin qui soigne les migrants de Lampedusa depuis 1991, ou dans la réaction d'Enrico Letta, président du Conseil italien. Pas dans la "honte" facile du pape François, dans l'agitation impuissante de l'ONU, dans la logique égoïste des Etats Schengen. Et encore moins dans l'UA et ses dictateurs syndiqués, honteux et pantois, comme à chaque catastrophe. Un Nobel pour Lampedusa. Pour ces gardiens du cimetière où viennent chaque jour se briser les espérances des damnés de la terre d'aujourd'hui ! M. H. [email protected] Nom Adresse email