Résumé : Les frères quittèrent le camp. La bataille faisait rage. Des coups de feu s'échangeaient entre notre armée et l'ennemi. Je devais m'occuper des blessés. J'avais encore peur, mais je tentais de surmonter mes émotions. Fatiha revint de sa mission. Elle allume un petit feu et me demande si j'avais faim. Elle portait un grand sac en bandoulière et avait mis un tas de choses dans ses poches. -J'ai ramené quelques médicaments... Juste de quoi prévenir encore les infections... Je pense qu'on ne va pas avoir grand-chose avant longtemps. Par contre pour la nourriture, j'ai pu avoir des victuailles assez consistantes. Elle dépose son sac et l'ouvre : -Tu vois... J'ai de la galette, du petit lait, de l'huile d'olive, du miel, des olives, des œufs, des figues sèches et même de la semoule et du couscous. Quelqu'un m'a remis des légumes et des fruits... J'ai aussi deux poulets fraîchement égorgés. Elle dépose le tout dans un endroit frais, et me tend une figue sèche et un morceau de galette : -Tiens, mange... Tu ne te rends peut-être pas compte, mais ton corps a besoin de reprendre des forces... Je jette un coup d'œil aux blessés. Elle suit mon regard et lance d'une voix émue : -Je ne peux rien leur donner tant que le toubib n'est pas là... Heu... Juste peut-être un peu d'eau... -C'est fait... Mais il y a encore des fiévreux... -Cela va de soi... Ils ont tous subi des opérations assez délicates... Heureux encore si d'ici demain, les blessures ne s'infectent pas. Je vins m'asseoir près d'elle. Elle avait le geste prompt et le mot qu'il faut pour chacun. -Et toi, tu ne manges pas Fatiha... ? -J'ai déjà mangé au village... J'ai fait le plein... Laissons donc un peu aux autres. Je mordis dans le morceau de galette. Aucune nourriture au monde ne m'aurait paru aussi délicieuse... Je me rendais compte alors que mon estomac gargouillait... La figue sèche et sucrée me parut succulente. J'avale rapidement ce repas improvisé, avant de demander : -Cela va durer longtemps ? -Quoi ? Les tirs ? Elle secoue la tête : -Tout dépendra de la résistance des uns et de l'obstination des autres. Prions pour nos frères qui font face à l'ennemi avec un courage indéniable. -Que Dieu soit avec nous tous... Elle passe la main sur mon épaule : -Tu es jeune, Boualem... Ta vie n'a pas encore commencé... Tu vas devoir scarifier toutes tes ambitions et reléguer tes projets aux calendes grecques. -Peu importe... Je suis là et j'y reste. -Et si la guerre dure dix années ou même plus ? Je sentis quelque chose remuer en moi : -La guerre durera le temps qu'il faudra... Je ne lâcherai pas, Fatiha. Ces quelques heures passées parmi vous m'ont déjà beaucoup appris, sur le courage et l'abnégation de nos vaillants combattants. Fatiha garde le silence. Un bruit venait de se produire et nous entendions un échange de tirs fournis. Soudain, je réalisais que j'étais là à l'abri de tout, et que mes camarades affrontaient l'ennemi. J'eus alors honte de moi. Oui... J'eus honte de moi, et je ne pus que me rendre compte de mon inutilité. Je me lève et demande : -Tu as une arme, Fatiha... ? Elle me regarde curieusement avant de répondre : -Pourquoi donc... ? -Je veux rejoindre les autres... Tu es là, tu pourras t'occuper des blessés... -Mais tu es fou ou quoi... ? On t'a intimé l'ordre de veiller sur les blessés et de garder les lieux. - Tu es revenue... Ma présence ici n'est pas nécessaire. Je veux combattre l'ennemi moi aussi. -Tu ne sais pas encore bien manipuler une arme... -Raison de plus... Je veux apprendre à tirer... Mustapha, Mohamed et les autres sont déjà avec les pionniers, et moi je suis là à tourner en rond... Nous étions un peu à l'écart des blessés, et nous ne savions pas si ces derniers nous écoutaient... Pourtant l'un d'eux m'interpelle : -Viens un peu par là, toi... (À suivre) Y. H. Nom Adresse email