Résumé : Des jours durant, on nous entraîna au combat. C'était impressionnant pour nous les bleus. Je ne savais pas qu'une mitraillette pesait aussi lourd. Les chefs savaient que la trêve n'allait pas durer. Et c'était le cas. Un jour, à l'aube, nous sommes réveillés par le bruit d'un hélicoptère et des tirs. Les chefs nous intimèrent alors l'ordre de riposter. Je ne me le fais pas répéter deux fois. Fatiha avait déjà pris les devants. Je la trouvais agenouillée devant un blessé en train de lui bander le bras. Comme il est jeune lui aussi !, me dis-je en le regardant... -Il a tout juste 16 ans, me dit Fatiha à mi-voix comme si elle lisait dans mes pensées. 16 ans ! Non... Je n'avais sûrement pas bien entendu. Pourtant, le garçon était encore imberbe. Malgré sa blessure, il m'adresse un sourire : -Je m'appelle Malek... -Et moi Boualem... Tu veux un peu d'eau ? Il refuse : -Non, occupe-toi des autres, moi j'ai juste une égratignure. Quel courage ! On venait de déposer deux autres blessés. Je retrousse mes manches et passe un peu d'alcool sur mes mains avant de m'occuper du premier qui avait reçu une balle dans la jambe et saignait abondamment : -Ne t'en fais-pas... Je vais m'occuper de toi. Une nausée me soulève l'estomac... C'était la première fois que je voyais autant de sang. Je devais soigner cet homme. Lui faire oublier sa douleur... Traiter sa blessure... Je ne sais plus... Je me retourne et me soulage l'estomac dans un coin. Fatiha me regarde : -Ce n'est rien... Tu t'y habitueras Boualem... Nous sommes tous passés par là. Pense donc à ce blessé qui attend des soins. Quelle sagesse, cette femme ! Je me relève et me dirige vers mon blessé... Un autre arrivait, et l'endroit commençait à empester. Je tentais de ne plus respirer... De ne plus penser à ces balles qui écorchaient le rocher, et à l'ennemi qui risquait de nous anéantir. Mon blessé m'attendait sans broncher. Il avait fermé les yeux et respirait bruyamment. Je déchire son pantalon, avant de commencer à nettoyer sa plaie avec une compresse alcoolisée. S'il souffrait, l'homme ne le montra pas. Je tente de retrouver la balle au fond de sa blessure... Il y avait un trou assez profond pour glisser mes deux doigts... Je me rappelle qu'il faut tout d'abords juguler l'hémorragie... Je prends alors ma propre ceinture et en fais un garrot. Si Ahmed arrive : -C'est bien Boualem... Mais il va falloir que tu m'aides. Je dois retirer la balle sinon la blessure va s'infecter. Prend donc un couteau et met le sur le feu jusqu'à ce qu'il rougisse. Il y a aussi quelques pinces à épiler dans la pharmacie...Fais-en de même. -Vous allez l'opérer ? -Oui... Avec les moyens de bord mon fils... le couteau... Mon Dieu !, me dis-je... On va torturer tous ces blessés ! Mais les frères subissaient leur sort sans broncher. La douleur n'était rien à côté de l'ennemi. Si Ahmed se faisait aider par Fatiha pour extraire les balles des blessures, puis me tendait les outils pour les stériliser... Je veux dire les passer au feu. Je regardais... Je tentais d'apprendre vite et bien... Il faut faire quelque chose, me dis-je... Je ne suis pas là en simple spectateur. Je prends alors quelques bandages et des flacons de mercurochrome et les tendit à Fatiha, qui travaillait sans relâche : -C'est bien Boualem... Tu es très prévenant...Essuie donc mon front, je suis en nage. Je m'exécute et m'approchais même de Si Ahmed pour lui demander si je pouvais faire quelque chose. Il était en train de suturer une plaie, et il me sourit : -Regarde donc comment je procède... La prochaine fois, tu vas toi-même suturer les plaies. -Moi ? -Oui... Comment donc ! Tu es mon infirmier... C'est à toi de procéder après les opérations...Moi je ne ferai plus que la chirurgie. Je regarde les mains du toubib. Il avait enfilé des gants et travaillait rapidement et habilement. Le blessé avait fermé les yeux... Il semblait dormir, mais tous, nous savions qu'il était conscient et qu'il avait subi le calvaire sans un geste ni un cri. Un exemple... Un exemple, me répétais-je tout en ayant honte de moi, qui avait rejeté le contenu de mes tripes rien qu'à l'odeur du sang. (À suivre) Y. H. Nom Adresse email