Pour commémorer le 52e anniversaire des massacres du 17 Octobre 1961, l'association Mechaâl Echahid et le Forum d'El Moudjahid ont, assurément, marqué, hier, avec faste l'évènement. Et pour cause ! Il s'agissait de sortir de l'anonymat Mohamed Bensaddok, un natif d'Annaba, âgé aujourd'hui de 82 ans et qui s'était illustré, durant la guerre de Libération nationale, par une grande opération d'éclats. D'abord, rappel des faits : dimanche 29 mai 1957. Au stade de Colombes, il y a la finale de la Coupe de France de football qui opposait l'équipe d'Angers à celle de Toulouse. Le groupe de Bensaddok avait pour ordre d'abattre le traitre Ali Chekkal, ancien vice-président de l'Assemblée algérienne, qui devait assister à la rencontre aux côtés du président de la République française, René Coty. Laissons plutôt Mohamed Bensaddok poursuivre : "Six ou sept minutes avant le sifflet final de la partie. Je suis sorti du stade. Mais là, je me suis rendu compte que les portes de sortie étaient fermées. Un dispositif de sécurité très courant et qui est destiné à permettre, comme de tradition, aux officiels de quitter les lieux avant le public. à ce moment donné et vu les circonstances, j'ai cru comprendre que l'opération était annulée. Signe du destin, "le salopard" Ali Chekkal s'est présenté à moi. Il était à deux mètres à peine de moi. Petit, trapu, avec une chéchia sur la tête. Le responsable chargé de couvrir l'opération, Mohamed Aïssaoui, m'a fait alors un signe de la tête. J'ai tiré aussitôt à travers la poche. Je n'ai même pas sorti l'arme, j'ai tiré à travers l'étoffe du vêtement. L'arme que j'ai utilisée, un revolver automatique 7.65, n'appartenait pas au FLN. On l'a seulement emprunté... La seule balle que j'ai tirée l'a touché en plein cœur. Je n'aurais, d'ailleurs, jamais pu tirer une autre balle puisque la culasse du revolver s'est coincée dans ma poche." Appréhendé sur les lieux de l'attentat et conduit au Quai des Orfèvres, Bensaddok déclarera être "un volontaire de la mort". Dans la confusion, la foule parisienne a vite cru à l'assassinat du président de la République, René Coty. Une rumeur qui a, d'ailleurs, vite fait le tour de la capitale française et qui sera démentie le soir même aux "actualités". S'en suivra pour Bensaddok de longues années d'incarcération dans l'isolement total. Il aura même le privilège d'occuper la cellule au double blindage de Pierrot-le-fou, une figure du milieu. Lors de son procès à la Cour d'assises de Paris le 10 décembre 1957, Me Pierre Stibbe, avocat de Bensaddok, cite à la barre des témoins prestigieux "à décharge" comme Germaine Tillon, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Louis Massignon, André Mandouze...Le témoignage de Sartre en faveur de Bensaddok fera date. Il constitue même aujourd'hui "un texte oral", objet d'études littéraires et dont le manuscrit est précieusement conservé à la Bibliothèque nationale de France (BNF). "Je ne connais pas Bensaddok, je ne connais pas Ali Chekkal... Pour moi, comme pour tous les hommes de la planète, celui qui manœuvre contre son propre pays est appelé un traître, surtout lorsqu'il s'agit d'un intellectuel, qui n'ignore pas la gravité de ses actes et les conséquences qui peuvent en découler..." En tout cas, l'auteur des Mains sales qualifiera à la barre, l'acte de Bensaddok comme "héroïque et audacieux" et transformera le nom de Chekkal par "Chacal" ! Au fait, qui était-il ? Originaire de Mascara, Ali Chekkal deviendra avocat puis bâtonnier. Conseiller général de Mostaganem, puis élu à l'Assemblée algérienne, il en assume dès 1949 la vice-présidence. Très attaché à la France, et tout aussi connu, à l'époque, que le Bachagha Boualem, de triste mémoire, Ali Chekkal avait consacré les derniers mois de son existence à défendre éperdument la cause perdue de "l'Algérie française". Quant à l'histoire de Mohamed Bensaddok, celle-ci est tellement méconnue et si passionnante que l'ont fait, ici, la promesse à nos lecteurs d'y revenir, pour notre part, très prochainement. M C L Nom Adresse email