Mohamed Bensadok, ancien moudjahid, a évoqué l'une des premières actions chocs du FLN et dont il a été l'auteur. Ce fut l'exécution d'un collaborateur de la France, Ali Chakal, le vice-président de l'Assemblée algérienne. Le FLN avait, rappelle-t-il, dressé, outre la liste des collaborateurs à éliminer, celle des grosses têtes de l'administration coloniale, comme le gouverneur d'Algérie, Robert Lacoste, Alain de Serigny (directeur de l'Echo d'Alger, défenseur de l'Algérie française) et Blachère. L'une de ces premières opérations qui allait faire du bruit fut la liquidation d'Ali Chakal, qui était aux côtés du chef de l'Etat français, le 26 mai 1957, au stade de Colombe, où se jouait un match de football. Les services français reléguèrent aussitôt cet événement à un fait divers pour éviter à l'opinion publique des explications sur « l'arrivée du FLN en France » qui avait ainsi réussi le défi d'« exporter sa guerre jusqu'en métropole », tout en déjouant les services de sécurité. Par ce geste, il a touché presque « le sommet de l'Etat ». Le témoignage de Mohamed Bensadok est donc très utile puisqu'il vient replacer cet acte plein d'héroïsme dans son contexte, un acte de militantisme et non un « acte isolé ». M. Bensadok était à la tête d'une section spéciale créée par le FLN et l'ALN, ses membres ont été préparés pour mener des opérations de commandos sous la coupe de la Fédération de France du FLN pour, dit-il, créer la terreur face à la répression car « la répression engendre la résistance qui s'organisera au niveau de l'émigration autour du FLN ». Bensadok, qui était un homme d'action, a dû le jour « J » prendre lui-même en charge l'opération, car « l'élément à qui on a confié cette mission était absent », expliqua-t-il. Le FLN lui donne une arme et un ticket d'entrée au stade. Il devait ensuite proclamer qu'il commettait son acte au nom du FLN. « Je ne connaissais par ma cible, je l'ai vue seulement en photo, mais l'homme devant le président (René Coty), ça doit être lui », se remémore-t-il. A la sortie du stade, l'opération est exécutée sans problème. Bensadok fut arrêté. Il avait sur lui le plan de la raffinerie qu'il projetait d'attaquer. En effet, le FLN allait préparer l'attaque de la raffinerie de Mourepiane. « Il fallait que je préserve le FLN du démantèlement des ses premières cellules », ajoute-t-il. La suite, on la connaît, la propagande française a tout fait pour falsifier l'histoire et n'a pas permis à Bensadok de proclamer le caractère politique de son acte, un acte de résistance du FLN contre l'occupation. « Non, ce n'est pas le Président français que j'ai visé (c'est ce que disait la propagande française à l'époque, ndlr) pour la bonne raison qu'il était hors de portée mais le traitre Chakal », insistera-t-il. Bensadok sera, d'ailleurs, jugé non pas par un tribunal militaire mais envoyé aux assises. La justice française ne sera pas indulgente à son égard, elle prononça la peine capitale qui sera commuée en une condamnation à perpétuité. Ce sera cinq ans d'isolement avant d'être libéré en 1962 après les accords d'Evian. Durant le procès, qui s'est déroulé à huis clos, on essaiera par tous les moyens d'« influencer le jury en ramenant, dans la salle, une victime, avec les jambes amputées, suite à l'explosion du café Milkbar à Alger », précisera M. Bensadok. Il s'est, par ailleurs, étalé sur les circonstances qui l'ont amené à rejoindre la Révolution et la section spéciale de la Fédération de France du FLN.