La Révolution a toujours cherché et l'a souvent trouvée, la politique de l'équilibre : Indépendance nationale et non-alignement”. Rédha Malek est venu, samedi soir, au Centre international de presse (CIP, à Alger) rappeler que la Révolution de Novembre 1954 était aussi diplomatique. Invité par la Fondation du 8-Mai-1945, le porte-parole de la délégation du Gouvernement provisoire de la République algérienne aux négociations d'Evian a déterré les souvenirs de l'autre bataille engagée par le Front de libération nationale pour la libération du pays. Ces souvenirs ont pris racine au Caire. La délégation algérienne dans la capitale égyptienne était composée de noms illustres (Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider, etc.) ; elle faisait elle-même partie d'un ensemble de représentants qui revendiquaient la libération des pays du Maghreb. “Cette délégation, indique Rédha Malek, a constitué le noyau d'origine de la diplomatie algérienne. Son objet premier était de chercher des armes et de les introduire sur le territoire national via la frontière tunisienne, d'où l'installation de la ligne Morice entre 1957 et 1958, suivie par la suite de la ligne Challe ; la France voulait couper ses vivres à la Révolution.” Cette représentation en terre d'Egypte, encouragée évidemment par le président Djamel Abdenasser, donnait déjà un écho inestimable aux batailles guerrières du maquis algérien. Les efforts diplomatiques étaient d'ailleurs centrés dans un sens intelligent, celui d'une “Révolution propre, menée, certes, dans le but de recouvrer la souveraineté et d'arracher la liberté, mais qui faisait la distinction entre l'opinion publique française et l'armée française”. Rédha Malek retient deux exemples illustratifs de cette volonté d'imprimer par la diplomatie — et les armes — une image propre à la Révolution. El Moudjahid, organe central du FLN dirigé par le conférencier entre 1957 et 1962, allait un jour publier un article sous le titre : “Une nation aussi pervertie que la France” ; la direction l'a retiré “parce qu'il était contraire à nos principes”. Aussi lorsqu'un révolutionnaire de Blida du nom de Bensadok, envoyé par ses supérieurs exécuter Chekkal, le fameux harki, au stade de Colombes, n'accomplit-il que la tâche qui lui a été assignée alors que le président français, René Coty, se tenait aux côtés de la cible ! Les opinions française — dont des sympathisants comme le journaliste Robert Bara de Témoignages chrétiens, le philosophe Jean-Paul Sartre et, surtout, le réseau Jeanson, les fameux poseurs de bombes — et internationale n'ont pu qu'apprécier ces efforts. La Révolution gagnait en galon. En avril 1955, à l'occasion du premier congrès des pays non alignés à Bandoeng (Indonésie), Hocine Aït Ahmed et M'hammed Yazid étaient accueillis à bras ouverts par les participants et par le président indonésien, Ahmed Soekarno, lequel a énormément contribué à l'essor de la cause du FLN. Car depuis cette date, note Rédha Malek, “nous avons toujours eu une représentation à Djakarta, assurée notamment par Mohamed Seddik Benyahia puis par Lakhdar Brahimi”. Au Caire, c'est Lamine Débaghine qui succède à Ahmed Ben Bella. Abane Ramdane convoque M'hammed Yazid… La Révolution a toujours cherché et l'a souvent trouvée, la politique de l'équilibre : “indépendance nationale et non-alignement”. L'alignement a “coûté au Viêt-nam l'éclatement et une guerre terrible de dix années contre les Etats-Unis”. La politique de l'équilibre a valu au FLN la considération de l'Est et le respect de l'Ouest. Il se trouvait dans le Sénat américain un bel admirateur, appelé John Fitzgerald Kennedy, JFK, futur locataire de la Maison-Blanche — assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas — qui lança une “bombe”. En février 1957, ce sénateur, dont le staff a accordé une audience à M'hammed Yazid, plaide carrément pour l'indépendance de l'Algérie. Coup du sort ? Coup de génie ! La suite est auréolée d'une vaste opération d'ouverture de bureaux dans les grandes capitales et villes du monde : New York (d'abord), Londres, Genève, Stockholm, Bonn, etc. Il n'en fallait pas plus pour voir le fougueux Yazid tenir des propos jugés exagérés par la direction du FLN. “Abane Ramdane l'a convoqué à Tunis et l'a rappelé à l'ordre, évoque Rédha Malek ; c'était une manière de souligner la rigueur et l'austérité de notre diplomatie.” Cette orientation a servi, plus tard, la Révolution. Lors des négociations d'Evian, les journalistes étrangers “n'avaient d'yeux que pour les représentants algériens”. Déjà, à Tunis, les opérations de charme des chargés de l'information du FLN puis du Gpra ont vite obtenu la sympathie de la presse internationale. Plus tard encore, l'exemple algérien servira de modèle à l'Iran. “Après la prise d'otages à l'ambassade américaine à Téhéran, en novembre 1979, nous avons géré les avoirs iraniens à Washington, témoigne Rédha Malek, alors ambassadeur d'Algérie dans la capitale fédérale. “Lorsque le président de la République islamique Mohammad Ali Rajai s'y était rendu, je l'ai rencontré. Après notre entrevue, il a tout de suite appelé son pays et le règlement de la crise commença. Nous lui avons dit de ne pas mélanger entre les opinions nationales et les gouvernements !” Dans les années 1970, l'ambassadeur d'Algérie à Moscou, Rédha Malek, invité à dîner par son homologue du Mexique se voit présenter une jeune fille. “Elle s'appelait “Argelia” ; elle était née le 5 juillet 1962.” L. B.