En date du 10 octobre 2013, un euro valait 111,25 DA et le 24 octobre 112,831 DA, contre 102,060 DA courant juillet 2013. 81,18 DA pour un dollar, contre 5 DA pour un dollar en 1973. Au 24 octobre 2013, le dinar tunisien s'échange à 2,246 pour un euro, et un euro vaut 11,240 dirhams marocains (source www.daily-bourse.fr). L'argument de la Banque d'Algérie qui utilise un système de "flottement dirigé" pour qui cela résulte de l'inflation (alors qu'il est annoncé une baisse en glissement annuel en 2013) est-elle la seule explication ? Quels impacts de la dévaluation de fait du dinar algérien (la Banque d'Algérie parlant de glissement) sur l'appareil productif et les ménages ? 1- Le premier impact souhaité par le gouvernement est d'essayer de freiner les importations. Mais est-ce possible sinon de provoquer une révolte sociale et d'entraîner la fermeture des entreprises existantes où le tissu industriel en déclin (moins de 5% du PIB) exportant 98% en hydrocarbures et important 70-80% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15% ? Du fait que l'économie algérienne est une économie rentière, les principes des lois économiques universelles ne s'appliquent pas. Au contraire, cela a eu un effet inverse à travers l'envolée des importations qui risquent d'atteindre, si le rythme des six premiers mois se maintient, 60 milliards de dollars en biens fin 2013 auquel il faut ajouter 12 milliards de dollars de services. En effet, toute dévaluation dans un pays a pour but forcément une dynamisation des exportations qui constituent un dumping à l'exportation. Or, avec le dérapage depuis trente ans du dinar, les exportations hors hydrocarbures peinent à avoir un taux de 2-3%, montrant que le blocage pour passer à une économie productive compétitive et systémique. 2- Deuxième impact qui sera palpable pour tous les produits importés (et certainement sur le cours de la devise sur le marché parallèle), l'on devrait assister à une poussée inflationniste qui amenuisera les récentes augmentations de salaires, l'état réalisant une épargne forcée. Pour se prémunir contre l'inflation, et donc de la détérioration du dinar algérien, l'Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l'immobilier ou l'or, mais une partie de l'épargne est placée dans les devises. C'est un choix de sécurité dans un pays où l'évolution des prix pétroliers est décisive. S'il n'y avait pas de pétrole et de gaz et les réserves de changes, richesse virtuelle qu'il s'agit de transformer en investissement productif, due non au travail mais à la rente des hydrocarbures, qui clôtureront certainement fin 2013 à 200 milliards de dollars (dont 86% placés en majorité en bons de Trésor américain et en obligations européennes au taux fixe de 2 à 3% au même niveau que le taux d'inflation mondial), un euro s'échangerait à 300 ou 400 DA. Cela poussera les entreprises publiques et privées qui fonctionnent en majorité avec des équipements et matières premières importées à augmenter leurs prix. L'inflation, qui a atteint 9% en 2012, sera certainement plus de 5-6% en 2013. Mais attention aux fausses interprétations, le taux d'inflation se calcule par rapport à la période précédente donnant un taux cumulé 2012/2013 de plus de 15-16%. Cela joue comme facteur de redistribution de concentration de revenus au profit des revenus variables. Avec la sphère informelle qui dépasse les 50% de la superficie économique, l'inflation jouera au détriment des revenus fixes, notamment des faibles revenus. 3- Troisième impact est qu'en dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures qui fluctue, en fonction des cours, entre 60 et 70% du total du budget. Les recettes des hydrocarbures sont reconverties en dinars, passant par exemple de 72 DA pour un dollar en 2010 à 77 DA/un dollar en 2012 à 81,1 DA/un dollar le 24 octobre 2013. Les taxes douanières s'appliquent au dollar reconverti en dinars amplifiant artificiellement le montant en dinars algériens. Il s'ensuit que cela voile l'importance du déficit budgétaire et donc l'efficacité réelle du budget de l'Etat à travers la dépense publique et gonfle artificiellement le Fonds de régulation des recettes calculées en dinar algérien. Ainsi, par exemple, si l'on dévalue de 10% le dinar, on gonfle la fiscalité des hydrocarbures et le fonds de régulation des recettes de 10% et dans la même proportion on diminue artificiellement le montant en valeur des transferts sociaux, par un pur artifice comptable qui ne correspond pas à l'état réel de l'économie algérienne. 4- Quatrième impact pour atténuer les tensions inflationniste, à travers les différentes lois de finances 2008-2013 : pérenniser la politique de l'Etat en matière de subvention des prix des produits de large consommation comme les céréales, l'eau et le lait, l'électricité et le carburant (un des prix les plus subventionné dans le monde) sinon le taux d'inflation officiel dépasserait les 10/15%. Mais avec une très profonde injustice sociale : celui qui gagne le SNMG ou celui qui perçoit 500 000 dinars par mois bénéficient des prix subventionnés, faute de l'inexistance de système ciblé de subventions. Outre cette disparité dans l'octroi du soutien de l'Etat, il faut remarquer l'opacité dans la gestion des transferts sociaux qui sont passés de 245 millions de dinars en 1999, à 1 200 milliards de dinars en 2011, à 1 400 milliards de dollars selon les lois de finances 2012/2013 et 1 603,2 milliards de dinars en 2014, soit 8,8% du PIB (source loi de finances 2014) environ 20 milliards de dollars au cours de 81 dinars un dollar. Encore un artifice comptable si l'on applique le cours du début de janvier 2013, un dollar 76/77 dinar, nous aurons 22 milliards de dollars. 5- D'une manière générale, les investisseurs tant étrangers que locaux se méfient d'une monnaie administrée faible qui fluctue continuellement, faussant toutes leurs prévisions et les poussant non vers les secteurs productifs mais vers la sphère marchande. La solution réside en une nouvelle gouvernance, de nouveaux mécanismes de régulation, qui conditionnent la dynamisation de la production locale dans des segments à valeur ajoutée au sein de filières internationalisées. Cela nécessite de s'insérer au sein de grands ensembles dont les espaces euro-africains et euroméditerranéens, qui sont les espaces naturels de l'Algérie grâce soit à un copartenariat soit à une colocalisation (balance devises partagées, accumulation du transfert technologique et managérial local), la ressource humaine étant le pivot essentiel de la coopération. Ce sont les conditions pour améliorer la cotation du dinar, les taxes douanières et les subventions étant transitoires avec un cahier des charges précises pour les bénéficiaires de cette rente. Cela rend urgente la transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, fonction elle-même de la transition énergétique, dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. A. M. (*) Professeur des universités, expert international en management stratégique Nom Adresse email