Deux ministres pour raisonner les jeunes de Ouargla

Alors que les émeutes continuent à embraser la wilaya

Le deuxième jour de sa visite dans la wilaya de Ouargla, Bouteflika le consacre au “poumon� de l’Algérie, Hassi-Messaoud, ainsi qu’à la ville de Touggourt. Rappelons que le premier jour de la visite s’est déroulé sous une tension maximum en raison du déchaînement des émeutiers. Prenant pour ainsi dire symboliquement en “otage� le chef de l’État, les jeunes ont “gâché� — c’est le mot — le show ayant accompagné l’annonce, en grande pompe, par le Président-candidat, de son intention de briguer un second mandat. La journée de ce lundi aura, en effet, été houleuse de bout en bout. Ainsi, en quittant Ouargla avant-hier soir pour nous diriger vers Hassi Messaoud, qu’elle ne fut notre surprise de nous voir empêchés par un barrage des G.I.R. (Groupes d’intervention rapide de la Gendarmerie nationale), à hauteur de la commune de Aïn Beïda, située à quelques encablures du chef-lieu de wilaya, de continuer. Les émeutiers avaient carrément barré la nationale et l’on entendait au loin des déflagrations qui traduisaient probablement des tirs de grenades lacrymogènes. Le convoi des journalistes venus couvrir la visite du chef de l’État sera ainsi immobilisé pendant près d’une demi-heure, avant de se résigner à emprunter un long détour pour éviter les émeutiers. De folles rumeurs nous parvenaient, entre-temps, et la nuit n’augurait rien de bon.
Pendant ce temps, Zerhouni recevait des représentants des quatre grands quartiers de Ouargla. La veille, Daho Ould Kablia, ministre-délégué chargé des collectivités locales, avait été dépêché en urgence le soir pour prendre langue avec la société civile locale et tenter d’apaiser les esprits. Il aura donc fallu l’intervention de deux ministres de la République pour tenter d’amener les jeunes à de meilleurs sentiments. Interrogé sur les résultats de ces discussions, Zerhouni confie : “Ce qu’a dit Ould Kablia aux jeunes, je l’ai confirmé moi-même dans une rencontre que j’ai eue avec eux hier soir. Nous prenons l’engagement de faire une évaluation du dispositif de recrutement des personnels de l’emploi et, le cas échéant, nous nous engageons à apporter les améliorations nécessaires.� Zerhouni promet que le gouvernement étudiera de près la question de la discrimination dans l’accès aux emplois générés par les secteur pétrolier à Hassi-Messaoud. À la clé, un budget d’équipement complémentaire de 610 milliards de centimes.
Hier, les choses semblaient revenues plus ou moins à la normale. Les émeutiers continuaient à s’agiter çà et là mais sans dégâts majeurs. Il y a eu plusieurs blessés de part et d’autre sans qu’un officiel donne un bilan chiffré des victimes de ces affrontements. Zerhouni parle de “blessés légers�. Il y a eu, en outre, des dizaines d’interpellations mais les jeunes arrêtés ont tous été relâchés en fin de journée. Le ministre de l’Intérieur précise toutefois que les manifestants embarqués seront déférés devant la justice.
À Hassi-Messaoud, l’ambiance était plutôt sereine. Ni émeute ni bain de foule, tout juste un bain de “fuel�. Nette impression d’avoir changé de pays avec toutes les enseignes des multinationales qui nous accueillent. Le chef de l’État a inauguré le nouvel aérodrome de Hassi-Messaoud, un aéroport international alliant le chic et le high-tech, et qui a de quoi rendre vert de jalousie l’aéroport Houari-Boumediene.
Le moment fort de la visite est sans doute l’escale au niveau de Haoud El-Hamra, important complexe pétrolier situé à 20 km au nord-est de Hassi-Messaoud, et d’où est dispatché le pétrole national vers les ports d’Arzew, Skikda et Béjaïa.
Pour marquer la date anniversaire du 24 février, Bouteflika y inaugure un oléoduc baptisé OZ2 et reliant Hassi-Messaoud au port d’Arzew. Le chef de l’État profite de l’occasion pour ressortir un leitmotiv qui lui est cher : le spectre de l’amenuisement de nos ressources en hydrocarbures et son danger sur l’économie nationale. “Il faut que le peuple sache la vérité. Il faut qu’il sache que nos ressources pétrolières seront bientôt épuisées, et qu’il faudra trouver une économie de substitution pour tenir. L’ère de l’État-Providence est terminée.�
Pour une date de “nationalisation� des hydrocarbures, ce fut plutôt court, plutôt tiède. Presque un non-événement, et pour les jeunes de Ouargla, carrément un non-sens, eux qui sont scandalisés chaque jour que Dieu fait de se voir presque imposer un “visa� pour accéder à “Hassi dollars�…
M. B.