Le dossier du nucléaire iranien tombe comme un prétexte pour annuler une tournée maghrébine très problématique pour John Kerry. La visite que devait effectuer à Alger le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, les 10 et 11 novembre courant, a été reportée d'"un commun accord", a annoncé hier le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani. "Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a reçu, hier après-midi, une communication téléphonique du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, qui l'a informé que le président Barack Obama lui a demandé de se rendre à Genève dans le cadre des négociations en cours sur le programme nucléaire iranien", a expliqué M. Belani. "Le secrétaire d'Etat américain doit rentrer de Genève à Washington pour faire un rapport au président Obama et pour interagir avec le Congrès sur les développements liés au dossier nucléaire iranien", a ajouté le porte-parole du MAE. Dans ce contexte, la partie américaine a indiqué que "toutes les étapes du périple du secrétaire d'Etat, prévues pour les prochains jours, ont été reportées". MM. Lamamra et Kerry sont convenus du report de la 2e session du dialogue stratégique entre l'Algérie et les Etats-Unis à une nouvelle date au cours des prochaines semaines qui restera à déterminer par la voie diplomatique, a précisé le porte-parole du MAE. Le secrétaire d'Etat américain devait également se rendre à Abou Dhabi et à Rabat. M. Kerry a quitté hier Israël pour se rendre directement à Genève où la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, négocie depuis jeudi aux côtés des représentants des 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne plus l'Allemagne) un accord avec la délégation iranienne sur le programme nucléaire de l'Iran. Les ministres européens des Affaires étrangères de France, d'Allemagne et du Royaume-Uni sont, eux aussi, arrivés d'urgence à Genève. Pour Washington, il est clair que le règlement du dossier du nucléaire iranien, au cœur d'une véritable tension internationale ces dernières années, est plus que stratégique, surtout que le nouveau président iranien a manifesté des signes d'ouverture que l'Occident, soucieux de la sécurité d'Israël, ne saurait occulter. Mais, dans le même temps, le chamboulement de l'agenda du secrétaire d'Etat US, notamment sa tournée en Afrique du Nord, à Alger et Rabat plus particulièrement, suscite plusieurs questionnements. Le premier est lié à la tenue du second round du dialogue stratégique algéro-américain entamé en 2012 à Washington sous la conduite de Abdelkader Messahel alors ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines. Pourquoi les Etats-Unis ont-ils cumulé entre la tournée de John Kerry et l'organisation du second round ? S'il est vrai que les dossiers abordés lors des discussions incluant le dialogue stratégique relèvent également du niveau des relations bilatérales, il est à se demander pourquoi Washington n'a pas séparé les deux aspects dès lors que la date du second round a été déjà fixée et que le département d'Etat US pouvait en tout cas déléguer un représentant pour le coprésider. Ceci d'une part, d'autre part, il s'agit de savoir si la tension diplomatique entre Alger et Rabat sur la question des droits de l'Homme au Sahara Occidental, n'aurait pas joué pour le report ou l'annulation de la visite de John Kerry au Maghreb. Le palais royal, qui a violemment réagi au discours du président Bouteflika lu à Abuja sur les territoires sahraouis occupés par l'armée marocaine au point de rappeler son ambassadeur à Alger, aurait, selon nos informations, exigé du secrétaire d'Etat US d'entamer son périple nord-africain par Rabat. Les Américains, qui savent ménager la chèvre et le chou, ne pouvaient dans ce cas réussir cet exercice difficile, voire impossible, à savoir contenter leur allié maghrébin qu'est le Maroc et ne pas froisser leur partenaire stratégique (pétrole et lutte antiterroriste) qu'est l'Algérie. L'accélération des discussions dans le dossier du nucléaire iranien aura été ce merveilleux prétexte pour renvoyer dos à dos aussi bien Alger que Rabat dans cette tension sans fin, tout en sachant que les jeux étaient déjà faits ailleurs, puisque le roi Mohammed 6 sera reçu par le président Barack Obama à Washington le 22 novembre courant dans le cadre "de la longue amitié entre le Maroc et les Etats-Unis". S T Nom Adresse email