Il s'agit, a-t-il dit, "d'un problème extrêmement important". Et d'asséner que "les Marocains savent ce qu'ils doivent faire pour sortir de cette impasse". Pondéré et rompu aux arcanes diplomatiques, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, sait aussi user du langage de la fermeté et se montrer offensif. Visiblement irrité par l'affaire de la violation du consulat d'Algérie à Casablanca, M. Lamamra a eu des mots durs à l'égard du royaume du Maroc à qui il a reproché de s'être rendu coupable d'une triple "forfaiture". "La première forfaiture est la violation de notre représentation diplomatique. La deuxième forfaiture est l'arrachage de l'emblème national. Et la troisième forfaiture, qui est une circonstance aggravante, est que les faits se sont produits un 1er Novembre. Cela nous amène naturellement à considérer qu'il s'agit d'un problème extrêmement important. Les Marocains savent ce qu'ils doivent faire pour sortir de cette impasse", a-t-il asséné, lors d'une conférence de presse animée conjointement avec le ministre de la Communication hier à l'hôtel El-Aurassi, à Alger. Pour lui, l'attaque de la représentation diplomatique algérienne dans la capitale économique du royaume chérifien est loin d'être "un acte isolé". "L'Algérie a demandé officiellement à participer à l'enquête ouverte par les Marocains pour déterminer les responsabilités dans cette affaire. Nous avons nos raisons pour dire qu'il ne s'agit pas d'un acte isolé et demandons à être associés à l'enquête. C'est une demande civilisée", explique-t-il, avant de souligner : "Nous ne sommes pas en train d'accuser telle ou telle personnalité." Aux yeux de M. Lamamra, les règles de bon voisinage doivent être respectées de part et d'autre et, surtout, pas transgressées. "Dans les relations algéro-marocaines, il y a des accords et des règles de conduite. Qu'elles soient écrites ou implicites, elles relèvent du droit ou de notre histoire commune qu'il ne faut pas transgresser", assure-t-il. "La transgression de ces accords et règles de conduite signifierait une faillite morale de la part de ceux qui transgressent ce genre de référents historiques", insiste-t-il. Assailli de questions sur la "tiédeur" de l'Algérie dans cette nouvelle mini-crise avec son voisin de l'Ouest, le chef de la diplomatie algérienne n'estime pas nécessaire de répondre à toutes les déclarations lancées par telle ou telle personne. "On ne répond pas à toute personne qui parle. L'Algérie a des positions de principe et a la capacité de défendre ses intérêts et sa réputation sur la scène internationale. Cela ne veut pas dire que nous ne faisons pas assez d'efforts dans la défense de nos intérêts et de nos symboles", assure-t-il, avant de souligner qu'"en diplomatie, le silence est parfois très éloquent". Loin d'être "fébrile", comme a eu à la qualifier un journaliste, la position algérienne sur la question est au contraire, rétorque M. Lamamra, toute de "sagesse" et de "sérénité". "La position algérienne est sereine et sage. Nous avons toujours appelé à la sagesse et à la sérénité. Tous nos interlocuteurs louent la pondération et la modération de la position algérienne à juste titre", affirme-t-il. Pour ce qui est du problème du Sahara Occidental et de la situation des droits de l'Homme, l'Algérie est, du point de vue de M. Lamamra, tout à fait à l'aise, puisqu'elle n'a fait que "dire ce qu'elle a l'habitude de dire" et en des termes "similaires" à ceux utilisés par le secrétaire général de l'ONU. "Nous avons des positions constantes en conformité avec le consensus de la communauté internationale", assène-t-il. Interrogé sur la participation ou non de l'Algérie à "la conférence régionale pour le renforcement de la sécurité des frontières entre les pays du Sahel et du Maghreb" qu'abritera Rabat le 14 novembre, M. Lamamra a assuré que "l'Algérie ne pratique pas la politique de la chaise vide". "Nous avons déjà participé en 2012 à une conférence sur la sécurisation des frontières libyennes et nous continuerons à travailler dans cette perspective", a-t-il précisé. Honorera-t-il de sa présence cette rencontre ? "Je n'ai pas dit que j'avais un projet de voyage ces jours-ci", rétorque-t-il. Autrement dit, il ne sera pas à Rabat. On susurre çà et là qu'Alger ne voit pas d'un bon œil la participation des Américains et des Français à ce conclave, même à titre d'observateurs. Quant au report de la visite du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, au Maghreb, M. Lamamra a réitéré les explications fournies par le porte-parole de son ministère, Amar Belani, tout en insistant sur le fait que le report soit décidé d'un "commun accord". Pour lui, les relations économiques entre l'Algérie et les Etats-Unis sont "fortes et en constant développement". Les échanges algéro-américains dépassent ceux que partagent les USA avec tous les autres pays de l'Afrique du Nord réunis. Les relations politiques et stratégiques ne sont pas en reste et se sont aussi "développées, diversifiées et approfondies". "On se limite plus aux échanges d'informations sécuritaires, mais on discute aussi sur des questions stratégiques concernant la Méditerranée et le Moyen-Orient", relève-t-il. "Les grands intérêts que nous partageons est un facteur important pour le dialogue, la coordination et les rencontres", insiste-t-il encore. Il n'y a, selon lui, aucun désaccord entre l'Algérie et les USA, sur la nécessité du contrôle de la situation des droits de l'Homme au Sahara Occidental. La visite qu'effectuerait le roi Mohammed VI aux USA, le 22 de ce mois, ne serait-elle pas pour quelque chose dans le report de l'escale algérienne de M. Kerry ? "Les deux faits sont totalement indépendants", répond-il. "Le dialogue stratégique entre deux pays est une chose et l'activité diplomatique d'un tel ou tel Etat en est une autre", assure-t-il. A. C. Nom Adresse email