Le Président va bien ; il peut se lever et a les moyens physiques qui permettent à un oncle de cajoler des neveux. Cette "preuve de forme" fait tacitement office de bilan de santé. Et si, justement, l'on a choisi le procédé "communicationnel" plutôt que le procédé médical pour notifier l'état de bonne santé du Président, ce n'est pas par inadvertance. L'image montre ce qui va ; le bilan de santé, ce qui ne va pas. Le message subliminal n'a pas changé : Bouteflika va bien ; il pourrait donc envisager un quatrième mandat. Rien qu'à la possibilité d'une telle démonstration, on peut mesurer la distance parcourue par la régression politique depuis 1999. Cette année-là, le pouvoir nous annonçait, d'avance, son choix en nous désignant le "candidat du consensus". Le mandat suivant, il devait assumer une crise, laborieusement étouffée, pour imposer un second mandat. Une crise interne, l'opposition n'étant pas en position d'agir sur le choix national. Jusqu'ici, il suffisait d'assumer la fraude électorale, que le pouvoir n'a jamais osé effrontément nier, pour rendre peu conforme une Constitution dont le caractère démocratique — il faut le dire vite — devait dissimuler la perpétuation du "coup d'Etat permanent". Ce mode de conservation du pouvoir ne s'est d'ailleurs jamais embarrassé de forme, si ce n'est qu'il s'est adapté aux évolutions rendues nécessaires par les mutations internationales. Mais, pour le troisième mandat, il fallait oser violer cette Constitution dans son principe cardinal d'alternance au pouvoir ! C'était, en effet, la seule règle qu'on ne pouvait profaner sans l'abolir. On pouvait, par exemple, proclamer la loi au suffrage universel ou le principe de séparation du pouvoir pour ensuite les contourner dans la pratique par le truchement de la fraude électorale et du fait de la dépendance des carrières électives vis-à-vis de ce procédé de falsification des résultats électoraux. Qui détient l'administration, au sens large, détient le pouvoir. Ainsi, les rares éléments de démocratie qui pouvaient s'infiltrer dans le système politique algérien furent éradiqués par la révision constitutionnelle de 2008 dévolue au troisième mandat. La voie fut ouverte au mandat à vie. Ce qui semble avoir été inconsciemment intégré par tous ceux qui s'expriment sur la virtualité d'un quatrième mandat ; puisque la question ne se pose plus en termes de changement pour cause de faillite renouvelée du régime, mais en termes de capacité du Président à assumer les exigences physiques de sa fonction. Or, la pratique du pouvoir, ces dernières années, nous a enseigné que le président Bouteflika ne se sentait contraint à aucun usage institutionnel de ceux que l'on croyait jusqu'ici obligatoirement rattachés à son statut. Pas même celui du Conseil des ministres, le pays pouvant apparemment se contenter d'un ou deux par an. Outre que la fonction se soit "libérée" de toute prescription protocolaire, les tenants de l'incapacité du Président à poursuivre son règne ont régulièrement droit au démenti télévisuel de leur argument. Le pouvoir les prend au mot : ce sont eux qui parlent santé de Bouteflika là où il faut parler sauvegarde et avenir de l'Algérie. M. H. [email protected] Nom Adresse email